SST

La petite histoire de la réglementation sur le cadenassage

Marc Beauchamp
Chroniqueur actualités

En termes simples, le cadenassage est le verrouillage d’une source d’énergie pour empêcher le démarrage intempestif d’un appareil. À sa plus simple expression, cela consiste, dans une maison notamment, à fermer le disjoncteur, à mettre le circuit hors fonction et à sécuriser sa mise hors tension en apposant un cadenas sur le disjoncteur.

Une façon efficace de s’assurer que personne ne remette en marche le circuit pendant que quelqu’un s’affaire à réparer l’appareil ou la machinerie relié à cette source d’alimentation, explique Marc Beaudoin, directeur adjoint Santé, sécurité et Mutuelles de prévention de l’Association de la construction du Québec. « Bien entendu, il peut exister en usine ou sur un chantier plusieurs sources d’énergie pouvant faire fonctionner un appareil donné. Prenons l’exemple d’une machine à papier généralement alimentée par plus d’une source : un mélange d’énergies hydraulique, pneumatique et électrique, entre autres. Donc plusieurs sources différentes d’énergie qui complexifient la mise hors tension de l’appareil. Ce faisant, les règlements actuellement prépubliés ne s’appliqueront pas uniquement à un chantier de construction, tel que la construction d’un bâtiment neuf, mais à un environnement de travail où des professionnels sont appelés à modifier, entretenir ou réparer un équipement ou une machine. » À des fins de compréhension, la définition d’un chantier de construction comprend autant des travaux effectués sur de la machinerie, un panneau de distribution électrique que sur un bâtiment ou un ouvrage de génie civil, sans égard à l’ampleur des travaux commandés, précise-t-il.

Tout débute en 2000

De premières discussions entourant ce sujet ont eu lieu au tournant des années 2000. Elles ont donné naissance à un comité de travail chargé d’étudier la question après avoir observé que des accidents graves et mortels survenaient à la suite de mauvaises pratiques ou d’absence de cadenassage. Elles se sont échelonnées jusqu’en 2004 dans l’industrie de la construction. À titre indicatif, des travailleurs se sont fait électrocuter à la suite de lacunes observées dans la procédure, commente Marc Beaudoin. Le comité ainsi formé regroupait des intervenants provenant des milieux patronal et syndical et des spécialistes de la CSST. Afin de mener à bien le processus d’analyse et de solutions potentielles pour réduire et enrayer les accidents, le comité a convenu de convier les grands donneurs d’ouvrage de l’industrie à d’importantes rencontres pour connaître la nature des procédures implantées à cet égard sur leurs chantiers et déterminer ce qui était nécessaire de discuter avec les sous-traitants invités à effectuer des travaux sur ces mêmes lieux. L’expérience a été enrichissante. Elle a permis d’établir un consensus menant à une entente dans le secteur de la construction.

L’Association de la construction du Québec souhaitait dès lors l’harmonisation du règlement avec les établissements, dit Marc Beaudoin. Elle a donc contacté un autre comité de travail, celui des établissements, pour former une association multisectorielle dans le dessein d’étudier la question dans une perspective plus large. Cette association regroupant notamment des représentants des municipalités, des papetières, des scieries et de plusieurs autres secteurs d’activités, a permis à l’industrie de la construction d’ouvrir des discussions et de s’entendre sur une méthode de cadenassage. Le partage de connaissances a favorisé la bonification des premières conclusions du comité de travail de l’industrie de la construction et a mené à la rédaction d’un imposant document. La partie patronale a soumis ce document à l’industrie en 2007.

Le diable est dans les détails

À la suite de cette consultation, le rapport a été rejeté. « Les détails de la réglementation soumis pour analyse rendaient alors impossible son application dans certains milieux de travail ou dans certaines situations particulières, notamment dans le cas du cadenassage d’une conduite d’eau. » Dans cet exemple bien précis, on ne peut mettre un cadenas directement sur un tuyau. Il en va de même pour le cadenassage d’une ligne de distribution d’électricité. On constatait que les dispositions du texte ne correspondaient pas à l’objectif réglementaire visé. Des procédures plus complexes entourant entre autres ces deux exemples renvoyaient le comité de travail à sa planche à dessin. « Ce qui a donné l’occasion à chaque partie de pousser la réflexion en compagnie des employeurs des différentes industries pour formuler des procédures appropriées à chaque milieu de travail. » L’exercice a permis aux établissements de convenir d’une entente en 2012. La construction s’entend en 2014.

« Cette réglementation sur le cadenassage fait actuellement l’objet d’une prépublication dans la Gazette officielle du Québec. Elle pourrait être adoptée par l’Assemblée nationale au cours de l’automne », conclut Marc Beaudoin.

Marc Beaudoin
Marc Beaudoin – Crédit : Patrick Dubuc