Le dépôt du projet de loi n°51 visant à moderniser le secteur de la construction présente plusieurs initiatives qui permettront à l’industrie de bénéficier d’une meilleure productivité. D’autre part, la mesure visant la création d’un Fonds de rétroactivité salariale dédié exclusivement au versement de l’ajustement de salaire rétroactif soulève de nombreux enjeux non seulement au niveau de son application, mais également au niveau de la hausse inhérente des coûts de construction.
Rappelons tout d’abord que l’absence de clauses prévoyant la rétroaction des salaires à la date d’échéance des conventions collectives ne date pas d’hier et s’explique, entre autres, par les caractéristiques uniques de l’industrie qui rend sa gestion extrêmement difficile à mettre en place. Pensons au fait que plusieurs salariés changent fréquemment d’employeur, travaillent pour plusieurs employeurs à la fois ou encore réalisent des travaux dans l’un ou l’autre des différents secteurs de l’industrie au cours de la même semaine et parfois même au cours d’une même journée. Pour compenser ses impondérables, les augmentations salariales ont toujours été négociées afin d’éviter un certain déséquilibre relié au délai entre l’échéance des conventions collectives et la signature d’une entente.
Gestion du Fonds
Selon le projet de loi, la Commission de la construction du Québec (CCQ) aura la charge d’administrer un Fonds qui sera constitué par des cotisations patronales et qui établira les procédures de versements aux salariés par règlement. À cet égard, plusieurs interrogations demeurent en suspens quant à la manière dont seront perçues ces cotisations et quel sera le montant de ces cotisations. Qu’arrivera-t-il s’il y des surplus inutilisés dans ce Fonds à la suite du versement des ajustements auprès des travailleurs ? Comment seront calculées les déductions à la source et autres charges fiscales lors du versement aux salariés? Les cotisations seraient différentes d’un secteur d’activités à un autres, mais comment tenir compte des réalités structurelles de l’industrie détaillées plus haut ? Nombreuses sont les questions sur l’opérationnalisation de ce Fonds, sa constitution, son administration, sans compter son impact immédiat sur l’augmentation des coûts de construction.
Par ailleurs, le pouvoir réglementaire dévolu à un organisme paritaire pour constituer ce Fonds occasionnera une voix au chapitre pour les représentants syndicaux qui siègent au conseil d’administration de la CCQ et qui deviendront parties prenantes dans la détermination du montant des cotisations à percevoir auprès des employeurs. Ce conflit d’intérêts sera encore plus apparent lors de la négociation des revenus rétroactifs, car ils connaîtront à l’avance les sommes disponibles dans le Fonds et pourront utiliser ces informations pour négocier le montant de l’ajustement. Il s’agit d’une immission historique dans le rapport de force déjà fragile entre les associations patronales et les associations représentatives lors du renouvellement des conventions collectives du secteur de la construction.
Coût des travaux
Le recouvrement d’un montant auprès des employeurs vient sans conteste ajouter une nouvelle cotisation à prendre en considération lors de l’évaluation des coûts de soumissions des travaux pour tous les projets de construction. Les employeurs devront désormais tenir compte systématiquement de ce prélèvement à la source. En conséquence, les coûts des travaux seront amenés à subir une augmentation non négligeable.
Au surplus, n’oublions pas qu’à titre d’administratrice du Fonds, la CCQ aura la possibilité de facturer des frais d’administration que les employeurs devront assumer. Il s’agit ni plus ni moins, d’une nouvelle taxe à la masse salariale que les employeurs de construction assumeront en surplus des autres employeurs du Québec.
Les prochaines étapes
L’ACQ continue son analyse en profondeur du projet de loi et entend collaborer avec l’ensemble des partenaires de l’industrie afin d’exposer les préoccupations des employeurs pour améliorer ces mesures au bénéfice de l’accroissement de la richesse et de la productivité du Québec.