Juridique

Les réclamations dans le cadre d’une résiliation de contrat par le client

Olivier Alepins, avocat
Chroniqueur juridique

En début d’année 2020, la Cour d’appel confirme un jugement qui balise les réclamations pouvant être faites par un entrepreneur qui voit son contrat résilié unilatéralement par le donneur d’ouvrage1.

Le plus haut tribunal de la province, via son analyse du jugement de première instance, met en lumière le droit bien ancré dans notre système juridique, selon lequel un client peut résilier son contrat avec un entrepreneur, et ce, sans avoir à se justifier (2125 C.c.Q.). La seule exigence consiste bien évidemment à payer à l’entrepreneur ses frais et dépenses actuels, la valeur des travaux exécutés avant la résiliation et la valeur de certains biens fournis (2129 C.c.Q.) et ce dernier doit restituer les avances qui pourraient avoir été reçues en excédent. Enfin, chacun est tenu de tout préjudice qui aurait pu être subi par l’autre.

C’est dans cette optique que l’entrepreneur Construction Blenda inc. (« Blenda ») a testé les limites des types de réclamation pouvant être réclamées lorsqu’un client met fin à un contrat en cours.

Sommairement, il ressort que l’Office municipal d’habitation de Rosemère (« OMHR ») a lancé un appel d’offres en juin 2008 pour la construction d’un immeuble résidentiel devant débuter au mois d’août de la même année. Néanmoins, ce n’est qu’en octobre 2008 que le contrat est accordé par l’OMHR. Ainsi, dès le début, ce retard dans l’octroi du contrat engendrera des coûts supplémentaires en raison de travaux à faire en conditions hivernales.

D’autres obstacles arriveront rapidement tels que l’impossibilité d’alimenter en électricité le chantier en utilisant l’immeuble voisin ou des divergences d’opinions entre Blenda et les professionnels de l’OMHR sur des questions comme la structure du plancher et les types de balcons à installer. S’en suivront alors de volumineux échanges antagoniques entre les parties sur des demandes de changement et des mésententes dans l’exécution des travaux, de telle sorte que Blenda ira jusqu’à suspendre l’exécution des travaux en février 2009, considérant son insatisfaction relativement au travail des professionnels de l’OMHR.

Après d’autres échanges, Blenda reprendra quelque peu l’exécution, malgré qu’aucune entente ne soit intervenue relativement aux changements à apporter, à leur coût ou au calendrier d’exécution. Après peu de temps, soit le 14 avril 2009, l’OMHR décide de résilier son contrat avec Blenda, lui demandant de quitter immédiatement le chantier.

Blenda, sans remettre en question le droit de résiliation unilatérale du client, considère que celui-ci a été exercé de façon abusive. Il réclame donc de multiples frais se ventilant ainsi :

  1. Valeur des travaux exécutés, frais et débours engagés à la date de résiliation (513 979,96 $);
  2. Manque à gagner additionnel dû à la résiliation du contrat (216 539,46 $);
  3. Préjudice, inconvénients et atteinte à la réputation (200 000 $);
  4. Frais légaux et frais d’expertise (269 690,10 $).

Malgré cette multiple réclamation, l’entrepreneur n’obtiendra qu’une somme de 139 995,86 $, couvrant certains travaux effectués avant la résiliation d’avril 2009 (point 1).

Pour les points 2 et 3, la Cour en vient à la conclusion qu’il n’y a eu aucun abus ni aucune mauvaise foi dans le comportement de l’OMHR et ils ne trouvent pas application dans le cadre d’une résiliation unilatérale effectuée conformément à l’article 2125 C.c.Q.

Il appert que le fait pour l’OMHR d’avoir refusé d’aller en arbitrage ou d’avoir négocié une indemnité de départ, d’avoir laissé un délai irréaliste de 24 heures pour quitter le chantier (qui s’est avéré allongé dans les faits) ou encore que les plans et devis ont été modifiés voire améliorés pour l’autre entrepreneur qui a terminé les travaux ne sont pas des éléments prouvant la mauvaise foi du client. Au contraire, le manque de collaboration de l’entrepreneur et les retards à l’échéancier justifiaient la décision de résilier le contrat.

Enfin, concernant les frais légaux et d’expertise (point 4), aucun manquement important ou abus dans le déroulement de l’instance ne justifiait qu’ils soient réclamés par Blenda.

1. Blenda inc. c. Office municipal d’habitation de Rosemère, 2020 QCCA 149.