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Planifier un transfert ou une relève d’entreprise

Association de la construction du Québec
Actualités de la construction

Les entrepreneurs du secteur de la construction ne font pas exception à ceux des autres industries québécoises. Souvent très occupés à gérer leurs affaires, ils oublient trop souvent de préparer leur départ. Et pourtant, cette démarche revêt une importance capitale. Qui va assumer la relève ? À qui va-t-on transférer les fonctions de gestionnaires ? Nous nous sommes entretenus avec des représentants de firmes de fiscalité et d’institutions financières, des spécialistes en transfert d’entreprise et, bien sûr, des entrepreneurs ayant vécu ce processus.

Dans un sondage réalisé par la firme PricewaterhouseCoopers* l’automne dernier, on apprend que la planification de la succession pour assurer l’avenir à long terme de l’entreprise familiale reste une priorité. En effet, passer le relais à la prochaine génération demeure important pour 38 % des répondants au Canada (39 % à l’échelle mondiale).

L’intervention d’un fiscaliste

Nous avons donc demandé à M. François Therriault, associé en fiscalité pour la firme BFR s.e.n.c.r.l., comment un fiscaliste peut vous aider dans le contexte d’un transfert d’entreprise. « Au départ, c’est un professionnel de l’impôt. Dans mon cas, je fais équipe avec des PME et des entrepreneurs. Je les accompagne dans leurs projets. En cas de transfert d’entreprise, mon rôle prend tout son sens, les résultats sont concrets et immédiats. »

Pour M. Therriault, un bon fiscaliste saura, en premier lieu, bien écouter pour comprendre les objectifs. Selon lui, l’impôt n’est qu’un facteur parmi tant d’autres. « Le fiscaliste doit prendre soin d’adapter ses conseils aux valeurs, à la situation familiale et aux autres éléments importants aux yeux d’un entrepreneur qui vit un moment déterminant dans l’évolution de sa compagnie. » Il ajoute : « Comme les notions fiscales ne sont pas toujours claires et limpides, nous devons bien informer nos clients de l’enjeu pour les aider à mieux comprendre ce processus en cours. »

Autre étape importante après l’écoute, l’identification de tous les outils disponibles en fonction du cas sur lequel on travaille. « Comme fiscaliste, je dois m’investir dans une mission pour atteindre les objectifs, et ce, en minimisant les impôts. Par exemple, nous devons souvent planifier les opérations pour qualifier une vente d’actions à la déduction pour gain en capital qui s’établit à 835 716 $ en 2017. »

On reconnaît un bon fiscaliste au temps consacré à une minutieuse planification. « Certains outils, pour être pleinement efficaces, doivent être prévus longtemps d’avance. Par exemple, une fiducie familiale doit être établie quelques années avant une vente d’actions pour en profiter au maximum. »

François Therriault

François Therriault
associé en fiscalité – BFR s.e.n.c.r.l.

Le support financier

Dans ce processus de transfert ou de relève d’entreprise, les cédants et les repreneurs doivent compter sur le soutien des institutions financières. M. Pierre Myrand, directeur senior investissement de Desjardins Entreprises – Capital régional et coopératif, explique les particularités de son travail : « Notre mission est d’activer l’entrepreneuriat d’ici en privilégiant la propriété québécoise et en se prolongeant dans les générations à venir, afin d’accroître notre richesse collective. »

Dans un tel contexte, il est régulièrement approché par des repreneurs ou une deuxième génération qui souhaitent acquérir une entreprise. « Nous sommes là pour fournir le capital nécessaire pour réaliser la transaction, le capital pour combler l’écart entre le prix d’acquisition et la somme du financement bancaire traditionnel ainsi que la mise de fonds des repreneurs. Notre participation peut s’exprimer sous la forme de dette subordonnée ou d’équité et nous la taillons sur mesure pour nous assurer que la compagnie sera viable post-transaction et que les repreneurs aient la flexibilité financière pour la faire croître. »

Mentionnons que le personnel de Desjardins Entreprises – Capital régional et coopératif n’accompagne pas les cédants comme tel, sauf quand des entrepreneurs les approchent directement pour financer le transfert de leur compagnie à leurs enfants. Dans ce cas, les principes décrits ci-dessus s’appliquent aussi.

M. Myrand ajoute : « Dans le cadre de notre processus d’investissement, nous faisons une vérification diligente assez poussée qui bénéficiera indirectement aux repreneurs puisque nous le faisons en collaboration avec eux, selon la situation. »

Des facilitateurs

Il faut savoir que Desjardins Entreprises – Capital régional et coopératif représente le fonds le plus actif au Québec dans les transactions de transfert d’entreprises. « Notre flexibilité et notre créativité à trouver une structure de capital qui permet la réalisation de la transaction tout en donnant de la marge de manœuvre pour la croissance facilitent les transferts. De plus, nous pouvons, au besoin et si nous faisons un investissement en équité, entourer les repreneurs d’administrateurs très qualifiés et expérimentés dans le secteur d’opération de l’entreprise visée afin de complémenter les forces des repreneurs. »

Pierre Myrand

Pierre Myrand
Desjardins Entreprises – Capital régional et coopératif

Encadrement du transfert d’entreprise

La préparation de la relève

La continuité d’entreprise ne se fait pas du jour au lendemain; elle exige une longue préparation, et plusieurs étapes mènent à sa réussite. « La planification adéquate d’un tel processus, de même que la saine communication appartiennent au chef d’entreprise lui-même. Les peurs et les freins à la continuité, conscients ou inconscients, amènent le dirigeant dans une zone de turbulence et de chaos. Le chef doit ainsi continuer de faire preuve de courage et de leadership … tout comme il l’a fait pour réaliser son rêve de bâtir une entreprise », souligne Mme Annie Veilleux, directrice générale de la firme de consultants LAFOND.

L’équipe LAFOND travaille sur trois principaux axes de réussite pour assurer la continuité : l’entreprise et ses activités, son équipe dirigeante, et la propriété de l’entreprise. C’est l’alignement de ces axes, soit l’arrimage des rêves et ambitions de tous, qui assurera le succès de l’initiative.

L’entreprise et ses activités

La continuité d’une entreprise est indissociable à sa croissance. Mme Veilleux précise sa pensée : « Il devient en effet périlleux d’intéresser et de motiver les repreneurs lorsque les perspectives d’avenir sont peu reluisantes. »

Elle ajoute : « Par conséquent, le cédant et les repreneurs doivent comprendre les défis et les enjeux de l’environnement externe turbulent dans lequel l’organisation évolue. Parallèlement, ils doivent saisir le portrait de son environnement interne. Dès lors, l’équipe gagnera à définir l’état futur qu’elle désire pour son organisation. L’élaboration d’une vision claire est le premier pas vers une communication interne efficace; elle donne un sens aux actions et aux décisions. »

L’équipe dirigeante et le leadership adaptatif

Pour plusieurs, le transfert et la continuité s’effectueront auprès de plus d’un repreneur. Ainsi, ce seront des équipes qui prendront la relève des organisations.

Selon Mme Veilleux, faire partie d’une équipe permet la collégialité et la collaboration. « Un partenariat bien géré engendre le partage des idées, des émotions, et des ressentis. Au-delà des aspects relationnels et communicationnels, l’équipe composée de membres aux personnalités, aux connaissances, aux habitudes de travail et aux habiletés différentes s’inscrit dans la complémentarité, créant des synergies exceptionnelles. La capacité des dirigeants à adapter leur style de leadership selon les moyens à prendre pour atteindre la vision, et les caractéristiques propres des collaborateurs qui les entourent, seront alors d’une importance capitale. »

Annie Veilleux

Annie Veilleux
MBA, directrice générale, LAFOND & Associés

Nous avons également recueilli les propos de M. Vincent Lecorne, président-directeur général du Centre de transfert d’entreprise du Québec (CTEQ) : « Vous souhaitez céder votre entreprise ou en acquérir une, nous accompagnons les cédants et les repreneurs tout au long de ce processus. Nous offrons des services d’information, de formation et bien sûr d’accompagnement. »

Centre de transfert d’entreprise du Québec (CTEQ)

  • L’Index – Plateforme contenant un répertoire d’entreprises à vendre, de repreneurs potentiels et d’experts pour faciliter le maillage en toute confidentialité.
  • Les formations – Les programmes Succès Relève et Meilleures pratiques d’affaires (MPA) offrent un panorama complet des étapes à suivre pour transférer ou acquérir une entreprise.
  • Le service-conseil – Un plan d’action clair et rigoureux avec un réseau d’experts bien outillés. Les conseillers agissent comme acteurs intermédiaires neutres entre les cédants, les repreneurs et les experts. Ils garantissent l’intégrité et la qualité du processus de transfert.

Vincent Lecorne

Vincent Lecorne
PDG du Centre de transfert d’entreprise du Québec, animateur d’un atelier lors du Congrès de l’ACQ, l’automne dernier à Gatineau.
Photo – Graphe Studio

TÉMOIGNAGES D’ENTREPRENEURS

Une réussite d’équipe !

Membre de l’ACQ Outaouais, M. Alain Raymond, fondateur des Toitures Raymond et associés inc. de Gatineau est toujours actif au sein de sa compagnie, mais il est certain d’une chose, celle d’avoir bien planifié sa relève. « Depuis 10 ans, je peux compter sur 2 associés qui partagent la même vision que moi dans la gestion d’une entreprise. Je sais que le jour où je prendrai ma retraite, les 200 employés de Toitures Raymond sauront que les activités de la compagnie se poursuivront normalement. »

M. Raymond nous mentionnait qu’une firme de consultants de Montréal, Groupe Lafond, avait le mandat d’organiser une dizaine de rencontres par année afin de discuter de stratégies, de conventions d’actionnaires et bien sûr, de relève. « Non seulement j’ai bien préparé ma relève de deuxième génération avec mes associés Marco Vaillancourt et Pierre Lafontaine, mais nous avons déjà entamé le transfert à la troisième génération en associant Jean-Claude Coelho et bientôt 2 autres jeunes technologues. L’entreprise que j’ai fondée il y a 40 ans sera définitivement entre bonnes mains. »

En 2015, M. Raymond s’est même permis de prendre trois mois de vacances. « Je téléphonais à mon directeur général une fois par mois pour le suivi des états financiers, mais je savais très bien que je pouvais dormir sur mes deux oreilles. »

Voilà donc un beau parcours pour ce ferblantier-couvreur qui s’est lancé en affaires à l’âge de 23 ans dans la ville de Maniwaki. « Nous avons un plan quinquennal de planification stratégique et je dois vous dire que je suis très fier des résultats. C’est une réussite d’équipe. »

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M. Alain Raymond
Fondateur des Toitures Raymond et associés inc. de Gatineau.
Photo : Toitures Raymond

Passation de flambeau sous le signe de la continuité

Dans un communiqué publié le 26 septembre 2016, M. Sylvain Robitaille, président du conseil d’administration et fondateur de Syscomax, entrepreneur général dans la région de Mirabel, annonçait qu’il cédait la direction de la compagnie à ses enfants Mélissa et Jean-Philip. Ils assumeront respectivement les fonctions de directrice générale et de vice-président au développement des affaires. Tous les deux œuvrent pour l’entreprise depuis plus d’une quinzaine d’années. Un membre actif du CA a été désigné pour assurer une transition optimale. Ainsi, Mélissa et Jean-Philip pourront bénéficier de l’appui continu de M. Alain Champagne, qui poursuivra également ses opérations auprès de la haute direction.

Déclaration de Sylvain Robitaille :
« La pérennité de l’entreprise, mais aussi la façon Syscomax de faire des affaires, est au cœur de ma décision de transférer les rênes de l’entreprise à mes enfants. Mélissa et Jean-Philip ont gravi les échelons un à un et c’est à des gestionnaires de premier plan que je confie la destinée de Syscomax à titre de coprésidents de l’entreprise. »

Déclaration de Mélissa Robitaille :
« Nous sommes allés à la bonne école. Nous avons appris très tôt l’importance de la rigueur et du respect des gens qui contribuent à notre succès et c’est ce qui continuera de primer. Globalement, l’énergie qui anime Syscomax sera la même bien que nous profitons de l’occasion pour graduellement donner à l’entreprise notre propre signature. » Mme Robitaille adresse les conseils suivants à ceux et celles qui devront prendre la relève d’une entreprise dans un proche avenir : « Vous devez croire en vous et vous faire confiance. Pensez à vous entourer des bonnes personnes et surtout n’ayez pas peur d’aller chercher des gens compétents pour vous assurer que la barre est toujours poussée plus haut, plus loin. »

Déclaration de Jean-Philip Robitaille :
« Au cours des dernières années, la complémentarité qui nous anime ma sœur et moi sur le plan des opérations, de la gestion et du développement des affaires a mené à une telle annonce. La confiance que témoigne le fondateur à notre égard confirme que nous sommes prêts pour les défis et les occasions qui pointent à l’horizon. »

Un autre honneur

Le 10 novembre 2016, lors du 3e gala Défis Marcus Vitruve de la Corporation des entrepreneurs généraux du Québec, l’entreprise Syscomax s’est vu remettre une mention d’honneur dans la catégorie Relève en entreprise. Pour les nouveaux coprésidents de Syscomax, bien réussir une relève générationnelle représentait un défi important. « Nous devons répondre aux impératifs d’une croissance soutenue », ont-ils déclaré en recevant une telle mention.

SYSCOMAX

  • Fondation 1988
  • Employés 45 (siège social et chantiers)
  • Secteurs Agroalimentaire – Pharmaceutique – Aérospatial – Infrastructures sportives.

Mélissa et Jean-Philip Robitaille

Mélissa et Jean-Philip Robitaille

L’importance du soutien des employés

À la suite de la mort de son père en mars 2011, Jennifer Hamel, alors adjointe au président de Plomberie Laroche à Québec, a dû s’adapter très vite aux changements. « Je croyais disposer de deux années pour prendre la relève, mais son décès a chambardé les plans. » Celle-ci a donc passé beaucoup de temps avec le comptable externe de l’entreprise qui l’a énormément aidée avec les notions liées à la succession. Elle a aussi pu compter sur la présence de consultants en développement de la personne et en stratégie.

Jennifer Hamel s’est aussi demandé à qui elle pouvait faire confiance. Elle a eu l’occasion de rencontrer des amis de son père qu’elle ne connaissait pas et elle a également apprécié le soutien indéfectible des employés.

Même si elle avait suivi des cours de management durant ses études universitaires, elle reconnaît qu’elle n’était pas vraiment préparée à assurer la direction de l’entreprise. « Nous avions prévu une période d’au moins cinq ans avant de faire des modifications au niveau de l’actionnariat et savoir si nous pourrions assurer la continuité de la compagnie. Je dois dire que sur les aspects organisationnels et légaux, il m’a fallu de trois à quatre ans avant d’être vraiment à l’aise avec ces notions. »

Avec le recul, Jennifer Hamel ne souhaite à personne un transfert d’entreprise comme celui qu’elle a vécu. « Oui, il faut se préparer et bien s’entourer, surtout dans le cas d’un départ soudain. Il faut être prêt à faire le grand saut et se dire que les choses vont nécessairement changer, pour le meilleur et pour le pire. »

Jennifer Hamel

Jennifer Hamel
Photo : Graphe Studio

Commentaires de Jennifer Hamel

À propos de la tâche d’un gestionnaire :
« Peu importe les diplômes, la gestion du personnel ne s’apprend pas à l’école. Ça passe beaucoup par la communication, l’écoute active, l’empathie. Ce qui est le plus difficile dans notre industrie est d’avoir des fluctuations saisonnières sur les chantiers. Ça fait beaucoup de nouveaux collègues à intégrer et certains ne restent pas très longtemps. Cela change une dynamique d’équipe si ce n’est pas bien géré. Il faut dire que nos contremaîtres de chantier jouent un rôle important avec les employés puisqu’ils sont en contact direct avec eux. »

Les qualités d’un gestionnaire :
« Impérativement, il faut savoir gérer le stress, être prêt à recevoir la critique, aimer travailler en équipe, accepter que tout ne soit pas parfait, savoir bien s’entourer et surtout faire confiance… En construction, avoir la bosse des affaires ne suffit pas. Il y a beaucoup de licences à obtenir, de réglementations à appliquer. »

Des conseils à de jeunes entrepreneurs :
« Il faut bien se connaître et avoir un intérêt plus que financier pour un projet. Vous savez, une entreprise, c’est comme un nouveau membre de la famille. Le boulot ne se termine pas à 16 h ou à 17 h comme dans les bureaux. C’est 24 heures par jour et 365 jours par année. Le meilleur conseil à donner, ce serait la planification, qui selon moi, est cruciale parce qu’elle permet de focaliser sur les bonnes choses une fois le transfert effectué, soit l’application de la vision et l’atteinte des objectifs… »

* Document à consulter – Enquête mondiale auprès des entreprises familiales 2016, réalisée par PwC