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Le Québec pourrait économiser 1 G$ avec une industrie plus efficiente

Philippe Gougeon
Chroniqueur actualités

Au cours des dernières années, exclusion faite de la pandémie, l’industrie de la construction au Québec a connu une croissance importante.

De 2002 à 2022, son PIB a augmenté de 51 %, le nombre de travailleurs n’a jamais été aussi important, atteignant 320 000 personnes, et les investissements des entreprises en machines, équipement et propriété intellectuelle ont permis au Québec de maintenir une proportion plus importante de capital dans ses activités comparativement à la moyenne canadienne et à l’Ontario. Théoriquement, l’industrie de la construction du Québec devrait donc être plus productive que celle de l’Ontario.

Malheureusement, la productivité du secteur de la construction au Québec, mesurée par le ratio du PIB sur les heures travaillées, demeure parmi les plus faibles au Canada, ne devançant que les provinces de l’Atlantique. L’année dernière, le retard de productivité du Québec face à l’Ontario a atteint 10 %, comparativement à 6 % en moyenne depuis 20 ans, signe que les choses n’évoluent pas dans la bonne direction.

Encore plus problématique, le graphique démontre que la productivité du travail au Québec est demeurée stable sinon en baisse depuis 20 ans. Par contre, ce constat s’applique aussi, dans une certaine mesure, aux autres juridictions en Amérique du Nord. C’est pourquoi le gouvernement du Québec a entrepris des démarches afin d’identifier comment accroître la productivité du secteur de la construction; l’ACQ participe activement à la discussion.

De nombreuses études économiques se sont penchées sur les facteurs influençant la productivité dans la construction. Par exemple, les variations climatiques, la rareté de main-d’œuvre qualifiée, de trop nombreuses modifications aux travaux, des problèmes de communication, les processus réglementaires et gouvernementaux (p. ex. la délivrance des permis) et des horaires mal planifiés sont des éléments qui peuvent affecter négativement la productivité.

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À l’inverse, une intensité du capital accrue, une meilleure formation, un environnement de travail sécuritaire et la possibilité de réaliser certaines étapes de production par l’entremise de la préfabrication contribuent à rehausser la productivité. Éviter le chevauchement et la multiplication des corps de métiers peut aussi réduire les inefficacités dans le séquençage des tâches.

En somme, la productivité et la façon de l’accroître sont des enjeux complexes comprenant de nombreux facteurs. Par contre, une des constantes de la littérature est qu’il est difficile de mesurer l’importance qu’ont eue ces facteurs sur l’évolution de la productivité. Certaines études sont parvenues à estimer des gains de productivité potentiels ou obtenus en vertu d’un changement appliqué à un facteur de production précis, notamment grâce à des données d’enquête.

C’est d’ailleurs grâce à une enquête réalisée auprès d’entrepreneurs de la construction du Québec qu’AppEco a estimé l’impact d’une augmentation de la polyvalence des métiers sur la productivité du secteur de la construction. Au total, 112 entrepreneurs ont répondu à différentes questions qui portaient sur les gains potentiels découlant d’une polyvalence restreinte des métiers au sein de mêmes familles, soit les fondations et travaux sous la surface, les travaux sur l’enveloppe du bâtiment, les travaux intérieurs et les travaux mécaniques du bâtiment.

En croisant les données recueillies avec les données de la Commission de la construction du Québec, il a été possible d’estimer que les gains de productivité potentiels, venant de la polyvalence des métiers, permettraient d’augmenter de près de 1 G$ le PIB du Québec, soit 10 % du PIB de la construction. Ce gain permettrait d’effacer presque complètement le retard de productivité du secteur de la construction du Québec par rapport à celui de l’Ontario.

Philippe Gougeon est directeur et économiste chez AppEco.