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Le projet Place Bell à Laval

Marc Beauchamp
Chroniqueur actualités

Photos : Pomerleau

Place Bell, à Laval, présentement en construction, sera un complexe multifonctionnel culturel et sportif majeur de dernier cri. Il abritera notamment un amphithéâtre de 10 000 places, une glace olympique avec gradins de 2 500 sièges et une patinoire communautaire pourvue de 500 places assises. L’immeuble comptera également un stationnement souterrain de trois étages chauffé pouvant garer 700 véhicules. L’édifice d’environ 28,000 mètres carrés occupera la quasi-totalité du quadrilatère bordé par les boulevards de la Concorde et Le Corbusier ainsi que les rues Claude-Gagné et Lucien-Paiement à proximité de la station de métro Montmorency. Pomerleau est le concepteur et constructeur de ce vaste chantier. Le projet a débuté en novembre 2014 et l’ouverture est prévue en automne 2017.

Systèmes CVAC
L’enjeu des économies d’énergie

Construire a rencontré Marcel Dubé, directeur de projet chez Pomerleau, concepteur-constructeur de la Place Bell, en compagnie de deux représentants de la firme sous-traitante de génie-conseil Beaudoin Hurens – Maxime Boisclair, chef de service Développement durable et Dany Riopel, directeur mécanique/électricité – chargés de la conception et de la supervision de l’installation des systèmes de chauffage, ventilation et d’air climatisé (CVAC) du complexe en chantier. Innovations et enjeux énergétiques ont constitué l’ordre du jour.

Les préoccupations écoénergétiques des clients de grands projets de bâtiments institutionnels ne datent pas d’hier. C’est vers le milieu des années 1990 que les soucis d’économies d’énergie ont émergé, estime Marcel Dubé, pour expliquer la course à l’innovation et à l’adéquation de nouveaux besoins. On assistait il y a deux décennies à l’éveil d’une conscience environnementale, et ce faisant, à la constitution de normes en termes de développement durable. Ce sont les Américains qui les premiers ont imposé la voie à suivre. C’est une direction qui présentait des solutions viables pour diminuer la surconsommation énergétique et pour obtenir de meilleurs rendements en matière de traitement de l’air. Les fabricants d’équipements de CVAC s’y sont graduellement pliés. On profitait de l’ère d’informatisation des systèmes pour contribuer à ce développement et créer des composantes plus sophistiquées. Il a ajouté que c’est dans cet esprit que les systèmes existants de CVAC des arénas d’autrefois au même titre que l’éclairage des enceintes, et notamment la récurrence des forts coûts d’exploitation qu’ils généraient, faisaient l’objet de questionnements. Suscitant, auprès des administrations municipales, les propriétaires des installations, la remise en question des équipements utilisés dans les amphithéâtres sportifs vieillissants.

Affirmation manifeste du mouvement, les manufacturiers de composantes d’éclairage commençaient également à faire la promotion de nouveaux systèmes plus performants. On assistait à la naissance de lampes moins énergivores aux faisceaux d’éclairage plus clairs, dégageant moins de chaleur thermique. Ces possibilités forçaient l’engagement des grands clients institutionnels, et formulaient un moteur de responsabilisation.

Nouvelle logique d’intervention

Du même coup, indique Maxime Boisclair, l’avènement des dispositifs de contrôles électroniques, des microprocesseurs favorisant l’automatisation des systèmes rendaient plus efficace le fonctionnement des équipements, des systèmes CVAC et modules d’éclairage, en fonction des besoins du moment. Résumant la révolution de l’époque, on passait du mode de contrôle pneumatique à celui des modules de commandes informatisées.

Pour illustrer le phénomène, Dany Riopel indique que cette transformation dans les systèmes CVAC se comparait aux grands bouleversements que vivaient la majorité des usines au début des années 1990: un passage obligé posant de grands défis d’ingénierie et d’adaptation sociétale. « L’automatisation contractait les besoins en ressources humaines de base, mais stimulait l’embauche de techniciens spécialisés pour veiller à la bonne marche des opérations, voire à l’entretien des composantes électroniques et mécaniques du matériel en déploiement. Car tout procédé informatisé requiert une logique d’intervention humaine. C’est la façon de s’assurer que tout tourne rondement. » Des actions périodiques, notamment pour la programmation, la maintenance de système et la surveillance de fonctionnement, comme la détection de bris potentiels dans les équipements, demeurent essentiellement du ressort de l’homme. Le législateur a d’ailleurs fait adopter des dispositions obligatoires à cette fin.

Rôle accru du technologue professionnel

« Sur le plan réglementaire, précise Maxime Boisclair, les systèmes de réfrigération, donc des équipements qui produisent de l’eau glacée à l’aide de compresseurs, doivent ainsi faire l’objet d’une surveillance assidue de fonctionnement. Il est obligatoire de compter sur la présence d’un technicien qualifié en tout temps, c’est-à-dire sur une personne compétente et déjà sur place, pour suivre le fonctionnement du système, repérer toute anomalie, en déterminer la source et convenir d’une réparation le cas échéant. Dans la foulée, éviter que l’équipement se détériore indûment. »

Maxime Boisclair
« Les systèmes de réfrigération doivent faire l’objet d’une surveillance assidue de fonctionnement. »
Maxime Boisclair

Le génie de la Place Bell
Une gestion numérique entièrement intégrée

Il existe une variété de modules, d’applications et de niveaux de gestion informatisée de systèmes CVAC. Au-delà des considérations budgétaires, la taille, la complexité et le raffinement des architectures de réseaux d’équipements sont créés en fonction de besoins spécifiques, parfois difficiles à combler sur le plan du génie.

Or, dans les amphithéâtres d’aujourd’hui, l’évolution de la notion de confort des spectateurs, la nature des critères acoustiques et les normes des maisons de production de concerts et de compétitions sportives, sont à la source de nouvelles ambitions dans l’art de conditionner l’air, de réduire les bruits de ventilation et de procurer l’éclairage adéquat à une image télévisuelle pure, sans grain d’écran. À cet indispensable trio de préoccupations, s’ajoute la précision de quantité de livraison d’air dans un dessein d’économie d’énergie.

Éviter le gaspillage

« Le pistage de la circulation d’air devient dans ce contexte un enjeu important», souligne Marcel Dubé. À cette fin, observe Maxime Boisclair, « la présence de dispositifs permettant le mesurage énergétique, indiquant avec précision où est acheminée l’énergie dans le bâtiment, contribue à bonifier l’intelligence du système et le calcul des économies. »

À cet égard, Place Bell se démarque par sa gestion numérique entièrement intégrée et optimisée par rapport à tout autre système existant. Contrairement aux installations couramment employées dans la plupart des amphithéâtres sportifs, l’équipement qui sera déployé dans ce complexe lavallois permet de surveiller toute la production d’énergie et son cheminement en tout temps. Ce qui favorise le diagnostic continu du système de CVAC, une caractéristique qui permet d’éviter le gaspillage d’énergie d’une part et de cibler les anomalies d’autre part. Précieux allié du technologue professionnel, ces données provenant du centre de contrôle informatisé fournissent de l’information utile, en temps réel, pour guider la maintenance de système et maximiser l’efficacité des interventions. Un avantage qui dans certains cas aide à éliminer le fastidieux protocole de recherche d’identification de problème.

Norme de rendement

C’est dans le respect d’un plan global ambitieux d’économie des ressources énergétiques et d’optimisation des procédés que la Ville de Laval, le propriétaire de la Place Bell, a établi dans son appel d’offres un objectif de rendement énergétique. Les ingénieurs de la firme sous-traitante Beaudoin Hurens ont tenu compte dans la conception de ce projet de la norme ASHRAE 90.1. « C’est la plus récente norme publiée par l’American Society of Heating, Refrigerating and Air Conditioning Engineers (Association américaine des professionnels du chauffage, refroidissement et conditionnement d’air), un organisme hautement reconnu dans le secteur du refroidissement industriel pour être une source d’information impartiale qui a été suivie», dit Maxime Boisclair. «Dans ce dossier spécifique, la Ville de Laval nous a demandé de concevoir un bâtiment permettant d’économiser 18 % d’énergie par rapport au bâtiment de référence de l’ASHRAE 90.1., ce qui représente une grande valeur ajoutée pour ce projet. »

Dans ce dessein, confirme Marcel Dubé, un des volets les plus importants du projet demeure la récupération d’énergie. « La centrale thermique produit le chaud et le froid et permet de récupérer à l’aide de multiples fonctions chaque lot d’énergie non utilisé durant les opérations quotidiennes. » À raison, commente Dany Riopel, directeur mécanique/électricité chez Beaudoin Hurens, « Faire des glaces dans un aréna nécessite beaucoup d’énergie. En outre, pour faire du froid, il faut évacuer de la chaleur. À cet égard, la technologie employée dans la centrale thermique permet de récupérer la chaleur qui d’ordinaire est rejetée dans l’atmosphère, comme dans la presque totalité des bâtiments. »

Or, à la Place Bell avant que l’énergie soit abandonnée dans l’atmosphère, la centrale s’assure de valider chaque paramètre pour savoir si l’on peut injecter la chaleur disponible ailleurs dans le bâtiment. Ainsi, les résidus de chaleur qui auront contribué à produire les surfaces glacées des patinoires peuvent servir à chauffer les vestiaires des joueurs et à alimenter en eau chaude les douches attenantes. « À ce sujet, dit-il, des simulations générées par des logiciels ont démontré que, durant l’hiver, la tour d’eau qui évacue l’énergie de l’amphithéâtre vers l’extérieur fonctionnera peu, voire pas du tout, par opposition au reste de l’année. » Le système récupérera l’énergie avant de la rejeter dans l’atmosphère pour chauffer l’enveloppe du bâtiment et complémenter les besoins en eau chaude au plus fort de l’hiver.

Dany Riopel
« La technologie employée dans la centrale thermique permet de récupérer la chaleur qui d’ordinaire est rejetée dans l’atmosphère, comme dans la presque totalité des bâtiments. »
Dany Riopel

« C’est un facteur déterminant pour un aréna », affirme Marcel Dubé. Pour comprendre l’importance de cette mesure, il souligne que pour fabriquer une glace et la conserver en bon état, une moyenne de 570 litres d’eau chaude doit être générée chaque heure par la centrale thermique. « Ce qui représente en une journée une production d’environ 5 700 litres d’eau chaude par patinoire. » Or. Place Bell en compte trois. En somme, résume-t-il, en produisant du froid on fabrique de l’eau chaude.

Marcel Dubé
« En une journée, environ 5 700 litres d’eau chaude par patinoire
seront nécessaires pour fabriquer une glace. »

Marcel Dubé

À cet algorithme d’efficacité s’ajoute la technologie DEL pour produire un éclairage plus lumineux et moins calorique dans chaque enceinte. Ces paramètres, en fin de compte, permettent à la centrale de réfrigération d’être moins sollicitée, assure Maxime Boisclair, promoteur de développement durable. Aussi, cet éclairage permet un meilleur rendu pour les standards de haute définition d’image des télédiffuseurs. Il permet notamment d’éviter l’effet de clignotement en mode super ralenti durant la présentation des reprises de segments de match à l’écran. Comme on peut le constater, aucun détail n’est laissé au hasard dans un tel projet.

Place Bell :
Défis d’ingénierie relevés

Selon Dany Riopel, l’emplacement des jets d’air dans la Place Bell, édifice de forme géométrique ovale, aura constitué une bonne part de défi. « Des tests poussés d’étude de mécanique des fluides numériques auront toutefois permis de convenir des endroits exacts où installer les bouches de circulation d’air pour offrir un maximum de confort aux occupants. »

La vocation multifonctionnelle de l’amphithéâtre, notamment la tenue de spectacles de classe internationale, présente un autre défi pour les ingénieurs de systèmes CVAC: la gestion de l’acoustique. « Par défaut, les équipements mécaniques émettent du bruit. Il faut s’assurer de sélectionner des équipements parfaitement adaptés à ce projet. Dans certains cas, rendre les équipements traditionnels plus silencieux, en isolant les sources de turbulences. »

Au centre

Enfin, la localisation de la centrale thermique. Cette usine doit être placée dans le bâtiment à un endroit accessible par véhicules, de la rue, pour faciliter la livraison des pièces de machines fixes. « Le plus au centre possible de l’édifice pour minimiser la course des conduites vers les différents secteurs à desservir. Un défi relevé dans le respect des paramètres de performances de rendement édictés par le client et l’enveloppe budgétaire établie. »

La construction de la centrale thermique débutera en janvier 2016. Les travaux de raccordements seront lancés en avril, précise Marcel Dubé, directeur de projet chez Pomerleau, l’entrepreneur général du chantier.