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Le mentorat : du soutien pour les entrepreneurs

Association de la construction du Québec
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Qui pense mentorat imagine automatiquement un travailleur d’expérience partageant son savoir avec la prochaine génération. Mais, si cette forme de jumelage est tout indiquée pour transmettre un métier, c’est également un outil de choix pour accompagner les entrepreneurs dans tous les domaines, incluant celui de la construction.

Quand Brian Roussel a décidé de se lancer en affaires, en 2013, il voulait rester petit. Mais, plus son entreprise a grandi, plus il a apprécié ce boulot. Aujourd’hui, Plomberie BR compte plus d’une trentaine de personnes et continue sur sa lancée. « Vers la cinquième année, je trouvais que j’arrivais à mon seuil. En effet, quand on dépasse le cap des 5 ou 6 employés, ça devient compliqué. J’avais besoin de quelqu’un avec qui parler !

Carolyne Filion

« Je ne voulais pas me faire dire quoi faire, mais plutôt rencontrer quelqu’un qui puisse partager son expérience. »

Brian Roussel, président et co-fondateur de Plomberie BR.

© Plomberie BR

À force de chercher, Brian Roussel découvre le Réseau Mentorat, qui offre un programme destiné aux entrepreneurs en tout genre à travers le Québec. « Je n’ai pas de père en affaires qui aurait pu me guider et je n’avais pas vraiment envie de retourner à l’école. Je ne voulais pas me faire dire quoi faire, mais plutôt rencontrer quelqu’un qui puisse partager son expérience. » La formule était donc parfaitement adaptée à ses besoins, estime-t-il. « Un mentor ne t’impose rien. Il te laisse trouver la solution par toi-même, parce que tu es le meilleur pour en juger. »

C’est justement la philosophie derrière le mentorat d’affaires, explique Laurent Couture, fondateur de Toiture Couture et aujourd’hui président du conseil d’administration. « Les mentors sont de grandes oreilles pour leurs mentorés. On leur pose des questions qui leur permettent d’éclairer des aspects qu’ils n’auraient pas vus autrement. Dans le fond, c’est un peu comme si on marchait à côté de la personne, car si on se plaçait devant, on agirait plutôt comme guide », illustre celui qui s’implique depuis plus d’une décennie auprès de la nouvelle génération d’entrepreneurs. « Un mentor est là pour t’écouter, te supporter et t’aider à ouvrir tes horizons sur différentes possibilités », renchérit Karyne Alstream, directrice administration et développement d’affaire au Réseau Mentorat. 

Carolyne Filion

« Les mentors sont de grandes oreilles pour leurs mentorés. On leur pose des questions qui leur permettent d’éclairer des aspects qu’ils n’auraient pas vus autrement. »

Laurent Couture, fondateur de Toiture Couture

© Toiture Couture

C’est d’ailleurs la formule que prône le réseau, soutenu par la Fondation de l’entrepreneurship, qui chapeaute ce programme offert dans une cinquantaine d’organismes à travers le Québec. « La mission de notre organisation, c’est vraiment de développer le plein potentiel des entrepreneurs par le mentorat », affirme-t-elle.

Un soutien qui peut prendre la forme de mentorat de groupe. « En général, on réunit une dizaine d’entrepreneurs qui en sont au même stade de développement et qui vivent les mêmes choses. Ils sont alors accompagnés par deux mentors », explique la directrice. Les rencontres permettent aux participants de choisir les thèmes abordés, en fonction des enjeux qui les interpellent. Le mentorat peut aussi se dérouler sous forme de rencontres individuelles et confidentielles.

« Tous nos mentors sont formés pour bien comprendre leur rôle », précise également Karyne Alstream.

Carolyne Filion

« La mission de notre organisation, c’est vraiment de développer le plein potentiel des entrepreneurs par le mentorat. » 

Karyne Alstream, directrice administration et développement d’affaire du Réseau Mentorat.

© Sylviane Robini

Gestion du temps, problèmes personnels ou questionnements sur sa vision d’affaires : tout peut y passer. Par exemple, Brian Roussel a discuté de la question du recrutement avec son mentor. « Il m’a présenté cinq outils pour trouver des employés et on a brainstormé ensemble. C’était intéressant parce que cela m’a permis de découvrir des ressources comme les chasseurs de têtes. Moi je ne connaissais pas ça, mais lui, oui, puisqu’il est déjà passé par là. Ensuite, j’ai pu choisir la meilleure stratégie pour moi. »

De la croissance à la reprise

article mentorat

Le programme, qui se décline en différentes versions à travers le Québec, s’adresse à des entrepreneurs en démarrage, mais aussi en croissance ou qui lorgnent vers l’international.

 « Certains de nos mentors sont même formés pour accompagner une personne qui veut céder son entreprise ou la reprendre, mentionne Karyne Alstream. Il y a plein de situations où cette démarche est pertinente ! » Laurent Couture a d’ailleurs accompagné des entrepreneurs en processus de reprise et d’autres qui ont choisi de mettre la clé sous la porte.

Autre particularité : le Réseau Mentorat propose un jumelage entre les entrepreneurs selon leurs valeurs, et non en fonction de leur domaine. Ainsi, un couvreur pourrait être en relation avec un électricien ou avec un chimiste, mais pas avec un spécialiste des toitures. Une façon d’éviter la compétition et d’apporter un regard neuf sur les situations, soutient Karyne Alstream. « Les défis auxquels ils font face touchent souvent les compétences entrepreneuriales, le savoir-être. Par exemple, quelle attitude adopter si je dois congédier quelqu’un ? Ce n’est pas ton métier que tu ne maîtrises pas, mais tout ce qui vient autour. »

Construire une entreprise de toutes pièces

Au Québec, le Réseau Mentorat regroupe plus de 1200 mentors ayant sous leurs ailes au-delà de 2 200 entrepreneurs, précise la directrice. Toutefois, le domaine de la construction est peu représenté. « C’est le quatrième secteur d’activité au Québec, mais nous n’avons qu’environ 5 % de mentorés provenant de cette industrie. C’est peu par rapport à son importance », analyse-t-elle. D’ailleurs, le réseau travaille de concert avec l’ACQ pour mieux faire connaître ce programme auprès de ses membres.

« Surtout que ce ne sont pas les besoins qui manquent, alors que la vaste majorité des compagnies du domaine comptent cinq employés ou moins, ajoute-t-elle. Mais les travailleurs de la construction ne se perçoivent pas comme des entrepreneurs. Quand ils se lancent à leur compte, ils ont tendance à se voir comme des travailleurs autonomes. »

« Le mentorat d’affaires devient donc un outil de choix pour les accompagner dans leurs démarches, assure Jean Pouliot, président de Produits Métalliques PMI. Ce n’est pas facile de laisser aller sa sécurité d’emploi et son salaire pour faire le grand saut. C’est là que le mentor entre en ligne de compte. Il permet à l’entrepreneur de réfléchir à ce qu’il veut vraiment. Au lieu d’avoir le nez collé sur le quotidien, il va lui permettre de s’élever au-dessus de la mêlée, pour voir plus loin. »

Carolyne Filion

« L’entrepreneur a les réponses en lui. Le mentor l’aide à découvrir le chemin vers ces réponses. »

Jean Pouliot, président de Produits métalliques PMI

© Produits Métalliques PMI 

 « Car c’est important de comprendre quelle direction on veut prendre pour effectuer les meilleurs choix, poursuit-il. Cela permet de trouver sa voie. Par exemple, est-ce que je suis bien avec une petite équipe de deux, trois ou quatre employés ou j’aimerais bâtir une plus grande entreprise ? Car quand on sait où on s’en va, c’est plus facile. L’entrepreneur a les réponses en lui. Le mentor l’aide à découvrir le chemin vers ces réponses », explique Jean Pouliot qui s’implique de longue date comme mentor.

Une façon de redonner au suivant, alors qu’il a lui-même cherché de l’aide quand il est arrivé à la barre de l’entreprise familiale, à l’âge de 27 ans. « J’ai intégré plusieurs cercles d’entrepreneurs et j’ai vite réalisé que nous avions tous les mêmes défis, les mêmes craintes et les mêmes appréhensions. » Plus de trente ans plus tard, il estime que ces rencontres ont énormément influencé son parcours.

Le bien-être de l’entrepreneur à l’avant-plan

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Si le mentorat permet aux entrepreneurs de réfléchir à la gestion de leurs affaires, ce n’est pas la seule question abordée. Au contraire. « Toute la démarche repose sur le bien-être de l’entrepreneur, soutient Karyne Alstream. Tu as beau avoir un bon entourage, les gens autour de toi peuvent en avoir assez d’entendre tes histoires ou tout simplement ne pas comprendre. »

« D’où l’importance d’une telle relation, explique Laurent Couture. On travaille au niveau humain avec les entrepreneurs, en les aidant à ventiler, à nous partager leurs rêves ou leurs problèmes. On tente de les sortir de leurs occupations pour les faire réfléchir à leurs préoccupations. » Les rencontres mettent aussi de l’avant les émotions, les sentiments et la santé psychologique des entrepreneurs. « Des gens qui peuvent vous conseiller pour la croissance, il y en a plein. Mais nous nous centrons plutôt sur l’humain, pour que l’entrepreneur se sente solide », ajoute Jean Pouliot.

L’exercice permet également de prendre du recul par rapport à sa pratique. « Par exemple, je mentorais une jeune femme qui manquait de temps pour s’entraîner. Ça lui trottait toujours en tête », se souvient Jean Pouliot. En discutant avec elle, il a compris qu’elle passait une heure tous les matins à répondre aux médias sociaux. « En lui posant les bonnes questions, elle a réalisé qu’elle pouvait aller au gym pendant cette période. Résultat : une diminution du stress et le sentiment de mieux gérer son temps ! »

Effet durable

Au final, les entrepreneurs accompagnés par un mentor auraient deux fois plus de chances de franchir le cap des cinq ans, montrent les recherches.

« Nous avons également mesuré le fait que cela accroît la confiance des entrepreneurs, leur permet de clarifier leur vision, de mieux gérer leur stress et d’améliorer leurs compétences en relations humaines, affirme Karyne Alstream.

Autant d’éléments qui augmentent la profitabilité, le chiffre d’affaires et la durée de vie d’une entreprise. »

Un investissement qui vaut la peine, comme l’a constaté Brian Roussel. « On oublie souvent l’aspect personnel, mais c’est aussi important que le côté professionnel. Mon mentor m’a permis de trouver un équilibre entre les deux. » Une des clés pour être heureux et garder le cap sur l’aventure entrepreneuriale. 

Le programme CONtact

Combler le fossé technologique dans le domaine de la construction grâce au mentorat ? C’est la formule que propose le programme de mentorat pour innovateurs CONtact, piloté par l’Association canadienne de la construction (ACC). « Cette initiative, lancée il y a presque trois ans, permet de jumeler une entreprise proposant une solution innovatrice avec des experts de l’industrie », mentionne la présidente de l’ACC, Mary Van Buren.

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Mary Van Buren, présidente de l’ACC.
© ACC

Les participants peuvent alors présenter leur technologie à des experts du domaine de la construction. En contrepartie, ceux-ci peuvent devenir des précurseurs, en adoptant rapidement ces nouveautés. « C’est intéressant puisque cela offre la possibilité aux entreprises d’identifier ces solutions très tôt dans leur développement et d’avoir un avantage concurrentiel. Certaines peuvent même choisir d’investir dans ces initiatives », poursuit la présidente.

Applications de paiement, technologies de détection des fuites d’eau, utilisation de l’intelligence artificielle ou de la réalité augmentée sur les chantiers : d’un océan à l’autre, le programme aura permis de donner un coup de pouce à une quinzaine de compagnies prometteuses. Au Québec, Pharonyx, un outil mobile infonuagique de gestion de projet de construction et Mechasys, entreprise ayant développé un projecteur laser affichant les plans à l’échelle réelle, ont été du nombre.

Les candidats souhaitant se joindre à cette initiative, soutenue par le Programme d’aide à la recherche industrielle du Conseil national de recherches Canada, doivent remplir un formulaire disponible sur le site de l’ACC.

La participation est gratuite et les cohortes débutent habituellement au mois de septembre.