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L’avenir des énergies vertes au Québec

Marc Beauchamp
Chroniqueur actualités

Au chapitre de l’alimentation énergétique des bâtiments, le Canada à l’instar du reste de la planète, a emprunté un important virage vert. Une tendance cependant qui tarde à se manifester au Québec. Les donneurs d’ouvrage et les entrepreneurs québécois font peu de place aux systèmes d’alimentation en électricité issus d’énergies renouvelables dans le secteur IC/I. Malgré tout, des projets émergent dans la province. Des experts des filières solaires, géothermiques et éoliennes élucident cette différence et rendent compte des contraintes observées par les constructeurs, identifiant dans la foulée la force d’une concurrence indéniable : le prix de l’hydroélectricité. État de la situation au Québec.

Un faible tarif de kilowatt-heures d’énergie produits par Hydro-Québec, particulièrement dans le secteur IC/I, et le prix abordable du gaz naturel négocié par Gaz Métro, en tenant compte des frais d’efficacité énergétique qui en découlent dans la grande entreprise, découragent la création d’initiatives de développement des promoteurs d’énergies de remplacement propres renouvelables.

Or, de bons citoyens corporatifs font fi de cette réalité et témoignent de leur engagement à protéger les ressources naturelles en s’offrant des systèmes d’avant-garde de chauffage d’appoint issus de technologies vertes éprouvées. Comparativement à une pratique bien ancrée ailleurs dans le monde, incluant les États-Unis, le vert a de la difficulté à se faire une place au soleil dans un pays d’immense ressource bleue. Néanmoins, des programmes parrainés par les distributeurs d’énergie peuvent aider des entreprises et des particuliers à ajouter à des bâtiments existants ou en construction de nouvelles sources d’énergies porteuses d’avenir.

Afin de comprendre les enjeux, observons d’abord ce qui se trame à l’échelle mondiale. « Le solaire brille plus que jamais », titrait Le Devoir dans un texte publié en juin dernier. Sous la plume du journaliste Louis-Gilles Francoeur, on apprenait que l’Allemagne avait franchi un record mondial de production d’énergie solaire grâce à 22 GW de puissance installée, soit l’équivalent de la capacité de production combinée de 22 centrales nucléaires. « Ce moment qualifié d’historique sur le vieux continent fait partie d’une tendance lourde qui se confirme en faveur des énergies vertes presque partout sur la planète, même si globalement cette production verte demeure encore marginale », soulignait le journal. Dans la foulée de la catastrophe de Fukushima au Japon, le parlement allemand avait déjà convenu de remplacer le parc nucléaire de tout le pays par du solaire et de l’éolien d’ici le début de 2020, tout comme plusieurs autres nations dans le monde où l’on constate une croissance étonnante des énergies vertes, dont l’industrie du vent. En somme, tous les pays industrialisés… à l’exception du Canada où la tendance demeure frileuse, et particulièrement du Québec où Hydro-Québec estime que la technologie actuelle ne permet pas d’intégrer plus de 10 % d’éolien dans son réseau. L’article du quotidien concluait que cela en disait long sur le rattrapage à faire ici.

« Le Québec enregistre un écart phénoménal avec l’Ontario. La Colombie-Britannique fait également preuve d’une avance remarquable au pays, affirme Benoît Perron, président de Énergie solaire Québec (ESQ). L’Ontario a mis sur pied, il y a plusieurs années déjà, des programmes de subventions pour encourager les entreprises et la population à adopter de nouvelles habitudes de consommation d’énergie verte dans le bâtiment. Or, le potentiel de risque de dangerosité des centrales nucléaires et le coût lié à la production de cette forme d’énergie sont à la source de l’engouement pour le solaire, ce qui contribue à donner de l’élan au mouvement. » Il déplore que le Québec n’offre aucun incitatif financier d’ampleur comparable dans ce dossier. Il convient cependant que l’hydroélectricité demeure un produit de meilleure conscience environnementale, offert à un tarif de consommation de surcroît extrêmement avantageux. « Difficile dans ce cadre de proposer une comparaison avec les autres provinces canadiennes et le reste du monde. »

L’Ontario et la Colombie-Britannique ont ajouté à l’effort en déployant des réseaux de distribution afin de partager les surplus des petits producteurs, des particuliers autant que des entreprises commerciales. Ces derniers peuvent revendre leur surplus à la compagnie d’électricité locale. La distribution permet de réduire les coûts. « Sur ce point également, le Québec fait figure de parent pauvre », estiment les acteurs de la filière environnementale.

Au Québec, il faut généralement faire preuve, sur le plan personnel, de bonnes convictions environnementales pour faire l’acquisition de tels systèmes, fait valoir Benoît Perron. « Notre hydroélectricité demeure la forme d’énergie efficace la moins chère au monde. » En outre, l’acquisition et l’installation d’un système de panneaux solaires servant à convertir les rayons d’énergie brute en électricité, comme on le voit ailleurs au pays et dans le monde, ajoutent un important déboursé à la facture de construction ou de rénovation d’un bâtiment. De plus, ces équipements sont sophistiqués : leur fonctionnement est complexe et exige de bonnes méthodes d’entretien, des tâches qui doivent être effectuées par un personnel hautement qualifié. Ajoutons que ces systèmes produisent de l’électricité à un tarif de consommation équivalent en moyenne à 49 cents le kilowatt-heure (kWh), ce qui représente une facture six fois plus élevée que le prix actuel de l’hydro-électricité consenti aux particuliers. « À ce prix là, il faut être réaliste, l’utilisateur devra mettre 35 années pour s’assurer d’un retour sur investissement », calcule Benoît Perron. Dans la foulée, l’utilisateur étudiera d’autres scénarios plus profitables, dont la pertinence de sélectionner pour le bâtiment un système solaire passif offrant un chauffage d’appoint vert. « Il s’inscrit dans l’un des deux volets d’énergie solaire parmi les plus connus, le second volet étant constitué de panneaux solaires photovoltaïques », souligne M.Perron.

Le solaire passif, qualifié le moins coûteux des systèmes alternatifs de chauffage vert, repose sur l’installation d’une généreuse fenestration à haut rendement orientée plein sud. « Un verre de grande qualité énergétique sert dans ce cas à capter les rayons. Les fenêtres doivent être adéquatement positionnées, c’est-à-dire en fonction de la course du soleil. Ce type d’équipement, assez simple, permet de recueillir environ 525 kilowatts d’énergie par mètre carré de surface verticale du 31 octobre au 1er mars, la période la plus froide de l’année. Arrimée à une unité de stockage sous un plancher poreux, cette énergie engendrée par la clarté naturelle du jour, provenant des rayons du soleil – qui sont gratuits -, contribue à abaisser la facture potentielle d’hydroélectricité, tout en procurant aux occupants une agréable vue panoramique. Mais, ce n’est pas la panacée », plaide candidement Benoît Perron, ajoutant qu’il importe de valider l’étanchéité du bâtiment et la qualité de la fenestration sélectionnée pour s’assurer du choix d’un concept bioclimatique.

Dans ce deuxième volet peu répandu au Québec, on constate une avancée technologique canadienne majeure. Antoine Paquin, fondateur, président-directeur général de Solantro Semiconductor Corp., une entreprise de procédés de pointe établie à Ottawa, s’exprime ainsi : « La pratique standard pour la construction d’un système photovoltaïque intégré au bâti consiste à connecter en série des modules générant de 10 à 100 watts chacun et à utiliser un onduleur central pour convertir le courant continu en courant alternatif compatible avec le réseau électrique.

La configuration en série de ce système comporte de nombreux désavantages : la puissance de production électrique est dégradée de manière disproportionnée si un ou plusieurs modules subissent une baisse de tension partielle, car une panne d’un module coupe l’alimentation des autres modules de la série et une défaillance du convertisseur central provoque l’arrêt de l’ensemble du système. » Il explique que des chercheurs ont entrepris de résoudre le dilemme en développant une approche compatible avec le réseau électrique à courant alternatif pour l’interconnexion des modules dans les systèmes photovoltaïques, en créant un nouvel onduleur nano breveté. « Cette approche pourrait entraîner une augmentation de 30 % de la production d’énergie solaire, une réduction de 50 % des coûts et du temps d’installation, une amélioration de la sécurité et l’élimination des restrictions en matière de conformité des sites », estime-t-il.

Vicky Sharpe, présidente-directrice générale de Technologies du développement durable Canada (TDDC), une fondation autonome établie par le gouvernement du Canada qui a financé la recherche et le développement de l’onduleur nano breveté, précise par ailleurs qu’un banc d’essai permettant de comparer le rendement des systèmes photovoltaïques intégrés aux bâtiments à courant alternatif à celui des systèmes à courant continu sera effectué dans divers emplacements géographiques, dont le Centre canadien des technologies résidentielles du Conseil national de recherches à Ottawa. La divulgation des premiers résultats de l’expérience est attendue.

Bien que le solaire thermique – systèmes photovoltaïques et solaire passif – jouisse de peu de popularité au Québec, la percée de l’industrie du chauffage solaire de l’air profite d’une belle lancée. De plus en plus d’entreprises québécoises l’intègrent à leur bâtiment. « On a senti le vent tourner en 2007 », souligne Christian Vachon, président de Énerconcept, le manufacturier et installateur canadien qui a réalisé le plus grand nombre de projets de chauffage solaire au pays depuis sa fondation en 1998. L’un de ces produits, le mur Lubi, un collecteur solaire à air à vitrage de polycarbonate transparent perforé, permet le préchauffage de l’air neuf entrant dans les édifices. « On dénombre plus de 500 projets de réalisations dans le secteur IC/I au pays à ce jour », indique M. Vachon. Ce mur, qui procure un effet de serre, est également fabriqué par la compagnie Énergie Matrix, un fournisseur de solutions en énergie renouvelable depuis 1985. Son président, Brian Wilkinson, observe depuis 1991 une nette croissance de la production d’énergie solaire dans le bâtiment. « Ces produits sont principalement exportés, se désole-t-il. Le peu d’initiative politique et le coût de l’électricité au Québec expliquent principalement cette tendance. »

Il existe une culture d’énergie propre et renouvelable au Québec : « Une mouvance bien observée, juge Martin Vézina, président de l’Association québécoise pour la maîtrise de l’énergie (AQME). On dénombre par exemple de plus en plus d’investissements dans la construction d’immeubles de certification LEED partout au Québec. Une croissance cependant entachée par l’absence de crédits divers offerts au secteur résidentiel, s’attriste-t-il. Il existe en effet peu d’aide financière vouée au développement de projets dans ce créneau. » Martin Vézina cite à titre indicatif les coûts élevés d’implantation d’un système géothermique et son sérieux impact sur le prix d’une maison. « L’effet est pour le moins dissuasif. »

Par contre et heureusement, les initiatives institutionnelles et commerciales soutiennent la progression technologique et propulsent l’innovation dans le secteur des énergies renouvelables. M. Vézina estime que des progrès ont été réalisés en moins d’une décennie en parlant de la conception d’un équipement de géothermie évolué qui permet désormais l’exploitation du système à des températures plus faibles de souterrain.

Soutenant cette observation, Denis Tanguay, président-directeur général de la Coalition canadienne de l’énergie géothermique (CCÉG), précise qu’au cours des dernières années, l’industrie canadienne de la géothermie est devenue plus compétitive en intervenant dans plusieurs projets du secteur IC/I.

Selon Denis Tanguay, après plusieurs années de croissance soutenue, l’industrie canadienne de la géothermie a chuté en 2010 avec une baisse globale de 28 % d’unités installées. « Un rapport présentant l’état de l’industrie canadienne de la géothermie publié en 2011 montre que le marché canadien pour les thermopompes géothermiques a augmenté de plus de 40 % en 2005 et de plus de 60 % annuellement en 2006, 2007 et 2008. Le marché s’est accru d’un autre 5 % en 2009, avant de connaître un recul en 2010. » Toutefois, selon les données préliminaires recueillies par la CCÉG, le marché se serait stabilisé en 2011 pour l’ensemble du Canada.

L’Ontario, le Québec et la Colombie-Britannique représentaient 87 % du marché en 2010 par rapport à 76 % en 2007. Le Manitoba est la seule province canadienne ayant connu un recul du marché pour chacune des années de 2007 à 2010. En fait, le marché des pompes à chaleur géothermiques s’est littéralement écroulé de 64 %, de 2007 à 2010, de loin la pire performance de toutes les provinces canadiennes. Le président de la CCÉG attribue ce repli à l’échelle du pays au retrait des programmes d’aide financière du gouvernement fédéral et de plusieurs gouvernements provinciaux ainsi que des distributeurs d’énergie. Les programmes de subvention ont manifestement eu un impact sur l’attrait, la vente et l’installation des systèmes.

Au Canada, en 2010, le prix moyen par tonne pour un système géothermique vertical pouvant atteindre une profondeur de 500 pieds dans le sol était de 7 886 $ et de 6 116 $ pour un système horizontal enfoui à huit pieds en moyenne. Le prix total moyen pour un système vertical de 4 tonnes, c’est-à-dire apte à servir d’énergie intégrale de chauffage et de climatisation, était de 31 544 $ et de 24 464 $. Des chiffres qui témoignent de la difficulté de cette filière à concurrencer le faible coût d’installation et d’utilisation d’équipement alimenté par le plus populaire des modes énergétiques au Québec : l’hydroélectricité. Denis Tanguay est sûr que le retour à la croissance du mode géothermique s’effectuera à long terme.

Bien que l’ONU ait déclaré 2012 « Année internationale de l’énergie durable », beaucoup reste à faire pour promouvoir ces formes d’énergie au Québec. Malgré cela, de beaux projets voient néanmoins le jour.

Curieux ? Nous vous invitons à parcourir les liens suivants : esq.qc.caaqme.orggeoexchange.cacanwea.ca et eolien.qc.ca

L’hiver dernier à Toronto, la firme d’ingénierie-construction Dessau de Montréal remportait un prix d’excellence en géothermie pour le projet du Centre Y de Cartierville. Cette distinction décernée par la Coalition canadienne de l’énergie géothermique (CCEG) souligne l’innovation, l’originalité, la complexité du mandat et l’apport des économies sur le plan énergétique. On parle de 54 % d’économies d’énergie par rapport à un bâtiment construit selon les normes canadiennes.

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Daoust Lestage architecture design urbain – Marc Cramer
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Énergie Matrix

Système photovoltaïque comprenant 60 panneaux monocristallins (245 Wp) et raccordé au réseau électrique triphasé 600 VCA
Un onduleur de couplage au réseau (13,2 kW 3ph 600V)
Puissance totale : 14,7 kWp
Partenaires : la firme d’ingénierie BPR et l’entrepreneur Électricité du Saint-Laurent (ESL)
Mise en service : 2011

Energies
Énergie Matrix

Sept systèmes photovoltaïques connectés au réseau électrique d’Hydro-Québec et six systèmes hors réseau totalisant plus de 37,8 kWp.
Mise en service : 2011

Composantes :

  • Modules monocristallins solaires
  • Un contrôleur de charge (XW MPPT 60A)
  • Un onduleur chargeur de 4kW / 24V
  • 15 batteries de récupération

Ces systèmes autonomes, qui exigent peu d’entretien, servent à alimenter les équipements des installations du Centre d’études nordiques dans les secteurs de Boniface et du Lac à l’Eau Claire. Des systèmes ont aussi été installés sur le territoire de Kuujjuarapik, d’Umiujaq et de Salluit.

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SIQ

Système hybride PV-diesel
Puissance totale : 17,6 kWp
Mise en service : 2010

Dix groupes de huit modules photovoltaïques installés sur un toit incliné en bardeau (220 watts monocristallins). Les ingénieurs de la firme Genivar estiment que le système photovoltaïque permettra de réduire la consommation de carburant diesel de 15 000 litres par an, soit 41 tonnes des émissions de CO2.

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Énergie Matrix

Système hybride PV / éolien
Modules solaires comprenant 20 panneaux photovoltaïques polycristallins (210 Wp)
2 éoliennes sur des tours monopôles de 33 pi (10 m)
Puissance totale : 4,2 kWp
Mise en service : 2011

Progemes Consultants (qui fait maintenant partie de Genivar) et Marc Morin Electrique pour la Ville de Montréal sont les partenaires de cet autre projet d’énergie renouvelable : l’Écocentre LaSalle.

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Énergie Matrix

Sept collecteurs solaires MatrixAir TR de 928 pi 2 (86,2 m2) chacun
Lieu d’installation : Saint-Hubert, Québec
Volume d’air : 38 250 PCM
Économies d’énergie: 25 237 m3 gaz naturel – 812,8 GJ (gigajoule)/année
Émission de CO2 évitée : 47,6 tonnes
Réalisation: Gross, Kaplan, Coviensky, architectes