La « Grande démission », malgré qu’elle soit récente, est une expression dorénavant sur toutes les lèvres dans le monde du travail alors qu’elle décrit un phénomène d’envergure particulièrement marqué aux États-Unis. Mais est-il aussi présent ici ?
65 % des Canadiens envisageaient sérieusement de quitter leur emploi en 2020, soit une hausse de 16 points par rapport à 2019 qui était alors déjà un sommet1. Par ailleurs, plus de la moitié des gestionnaires envisagent de délaisser leurs fonctions en quittant leur organisation pour prendre leur retraite ou ralentir la cadence volontairement2.
Toutefois, ces intentions ne semblent pas s’être matérialisées en mouvement massif de démissions en 2021 au Québec puisqu’en décembre dernier, le taux de personnes ayant quitté un emploi sans demande de prestation de chômage était de 0,63 %, ce qui est même légèrement inférieur à la moyenne de 0,7 % prépandémie (entre 2011 et 2019).3
Le marché de l’emploi demeure difficile pour les employeurs qui tentent de retrouver un peu de normalité en contexte de relance économique ainsi que pour les employés en place qui ressentent la pression du manque de collègues. Comprendre le contexte et miser sur de solides pratiques favorisant la rétention demeure primordial. Il est ainsi plus approprié de parler d’une « Grande séduction ».
Pandémie et pénurie : des catalyseurs d’un marché de l’emploi tout de même difficile
D’une part, la pandémie qui a secoué nos réalités et imposé un moment d’arrêt a incité plusieurs à entreprendre des réflexions et des remises en question. De nombreux individus ont fait le point et certains ont constaté un écart entre leur situation actuelle et celle souhaitée, que ce soit au volet professionnel ou personnel. Révision des priorités et des objectifs, déménagement, changement de métier, insatisfaction quant à la gestion de la pandémie par leur employeur, sont tout de même des exemples de causes de départs observées en lien avec cette réflexion, malgré que ce ne soit peut-être pas aussi propagé que l’expression « Grande démission » ne le laisse croire.
D’autre part, au troisième trimestre de 2021, le nombre de postes vacants s’élevait à 912 000 alors qu’il était de 512 000 au premier trimestre de 2020. Et pour le secteur de la construction plus précisément, le nombre de postes vacants a augmenté de 11 500 (+33,1 %) pour atteindre 46 400 au premier trimestre de 2021, comparativement à 2020.4 Il s’agit du nombre le plus élevé de postes vacants pour ce secteur depuis que des données comparables ont commencé à être publiées en 2015.
Le Québec a affiché une augmentation marquée du nombre de postes vacants au premier trimestre de 2021, en hausse de
18 500 (+14,4 %) par rapport à un an plus tôt. Les chantiers de construction ont, quant à eux, subi une augmentation de
3 700 de postes vacants.5
Prévenir les départs
En premier lieu, pour espérer retenir ses talents, les organisations doivent s’assurer que leurs conditions de travail sont concurrentes et adaptées au marché. Les employeurs rivalisent vigoureusement entre eux et les offres tendent à être de plus en plus généreuses.
Ensuite, l’organisation du travail doit permettre l’autonomie des équipes. L’idée est d’octroyer un cadre dans lequel les équipes et les individus pourront prendre des décisions et leur donner la possibilité d’influencer les orientations organisationnelles.
La reconnaissance des individus pour qui ils sont, leurs compétences et leurs efforts, mais aussi leurs limites est un levier de mobilisation puissant. Et finalement, garder en tête que le maintien de milieux sains et inclusifs constitue un important levier qui aide à garder les talents.
Miser sur les joueurs clés
Bien qu’il faille s’investir dans la rétention, croire qu’il est possible de retenir tous les employés est une utopie. Il y aura toujours un certain mouvement et celui-ci, dans la mesure où il n’est pas endémique, est même rafraîchissant alors qu’il constitue une opportunité d’innovation et de créativité. L’objectif est donc de miser sur les joueurs clés qu’on voudra retenir et d’apprendre des départs pour faire les choses autrement.
Finalement, prendre un temps d’arrêt pour réévaluer la situation avant de penser à remplacer la personne qui a quitté ses fonctions est une étape trop souvent négligée qui est pourtant nécessaire. Les besoins évoluent et pour maximiser les chances de succès de la prochaine embauche, une réflexion s’impose.
1 Hays Canada, 2021
2 Deloitte et Solution Mieux-être Lifeworks, 2021
3 Institut du Québec, 2022
4 Statistique Canada, 2021
5 Ibid.