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Entretien avec l’architecte Louis Brillant concernant l’église Notre-Dame-des-Sept-Douleurs à Verdun

Association de la construction du Québec
Actualités de la construction

Après la réfection de la toiture et l’exécution de travaux d’électricité et de plomberie, on s’affaire maintenant à restaurer les deux clochers de l’église Notre-Dame-des-Sept-Douleurs, un bâtiment centenaire de la rue Wellington à Verdun.

Le 4 août 2015, les représentants des médias étaient invités à escalader les 200 marches menant jusqu’aux plus hauts clochers de l’île de Montréal, ceux de l’église Notre-Dame-des-Sept-Douleurs. Entrepris le 3 juin, les travaux représentant 1,1 million de dollars ont été confiés à l’entrepreneur général Adrien Charbonneau inc. et à l’architecte Louis Brillant.
Voici les réponses de ce dernier à nos questions.

Entretien avec l’architecte Louis Brillant

article egliseverdun

acqconstruire.com – Décrivez-moi les principaux défis relevés par les différents intervenants dans ce dossier ? On pense à l’entrepreneur général (l’installation des échafaudages, le manque d’espace sur la toiture pour les matériaux, le fait de travailler en hauteur, avec les éléments – vent, pluie etc.) Racontez-nous quelques prouesses de l’équipe depuis le début des travaux…En somme, quelles sont les difficultés qu’il a fallu surmonter ?

L.B. – Intervenir sur des clochers en hauteur en contexte urbain densément bâti représente de multiples défis. Dans le cas de l’église de Notre-Dame-des-Sept-Douleurs de Verdun, l’implantation du bâtiment près des trottoirs, la relative étroitesse des rues adjacentes, le passage du métro directement sous la rue et le trottoir avec un puits d’aération adjacent au clocher nord sont autant de facteurs qui viennent compliquer l’accès et contraignent les zones disponibles pour effectuer l’érection et le démontage des échafauds, puis la gestion des matériaux et de l’équipement. Dans un premier temps, nous souhaitions nous installer avec des poutres Aluma en hauteur, directement à partir du plancher des cloches, et ce pour éviter d’avoir un empiètement au sol. La géométrie des colonnes de support, les jougs des cloches et les cloches elles-mêmes ont rendu ce scénario impossible. La gestion des éléments d’assemblage des échafauds représente également tout un défi: la seule zone horizontale disponible en hauteur est celle qui se situe au-dessus du portail d’entrée de l’église, entre les deux clochers. Il y avait tellement d’éléments d’assemblage entreposés à ce niveau qu’il était impossible pour les autres corps de métiers de travailler pendant le montage des échafauds. Si la vue est imprenable d’en haut, elle s’accompagne invariablement de la présence d’un fort vent. Ce dernier implique une vigilance particulière des monteurs d’échafauds lors de la manutention des éléments d’assemblage, afin d’éviter tout contact avec la flèche. De plus, il faut bien visualiser que la flèche diminue de diamètre en montant, alors que les échafauds et planchers de travail demeurent d’une largeur constante. On ne veut pas infliger à la flèche un stress par le mouvement des échafauds, aussi doivent-ils être pratiquement indépendants dans la partie haute. Comme nous avons des interventions de ferblanterie et de peinture prévues, ce qui implique la préparation des surfaces, on ne peut prendre la chance que des particules de métal ou de peinture partent au vent et se retrouvent n’importe où. Il faut prévoir des filets de protection. Or, ceux-ci offrent une résistance aux vents, et contribuent ainsi aux efforts qui doivent être gérés par les contreventements des échafauds, sans exercer de stress sur la flèche. C’est tout un art !

acqconstruire.com – Croyez-vous être en mesure de respecter l’échéancier ? Parlez-nous des prochaines étapes…

L.B.- Aujourd’hui, 2 octobre 2015, j’ai la confirmation que les derniers travaux de maçonnerie seront terminés ce samedi et que les échafauds seront en voie d’enlèvement dès lundi. C’est donc dire que l’échéancier aura été parfaitement respecté pour le clocher nord. Initialement, nous avions prévu poursuivre le travail avec le clocher sud, mais lorsque nous avons compris que la stratégie d’érection des échafauds impliquait que les autres corps de travail ne pouvaient pas travailler en même temps, le plancher de travail entre les deux clochers étant complètement occupé, ce sont deux semaines additionnelles d’ouvrage par clocher qu’il a fallu ajouter à l’échéancier. Ainsi, les risques de se retrouver échafaudés mais incapables de peindre étaient très élevés et, de concert avec tous les intervenants, il a été convenu qu’il était plus prudent de reporter les interventions sur le clocher sud au printemps. Avec l’expérience acquise sur le clocher nord, nous sommes confiants que l’ensemble sera complété avant les vacances de la construction 2016.

acqconstruire.com – Une fois les clochers remis à niveau, que faudra-t-il faire avec les cloches pour qu’elles résonnent de nouveau ?

L.B. – La remise en marche des cloches implique la participation active de *campanistes, les experts en cloches. Le carillon du clocher nord comporte 18 cloches de la maison Paccard. Inauguré en 1924, il est dirigé par un clavier qui se situe encore à côté des orgues, dans le jubé. Sa remise en marche implique de nombreuses vérifications, qui vont être entreprises incessamment. Il importe de distinguer l’activation du carillon, qui se fait par des marteaux, un peu comme un piano, de celle de l’activation des cloches à la volées, qui utilisent les grandes roues et les battants intérieurs et génèrent un stress important sur la structure du clocher. Notre projet concerne la réactivation du carillon.

acqconstruire.com – Dites-moi ce qui est le plus emballant pour un architecte dans un tel projet ?

L.B. – Certainement, un des aspects les plus emballants pour un architecte dans ce type de projet est la possibilité de travailler avec une communauté où les traditions de co-responsabilisation du bien commun sont encore bien vivantes. On peut parler de patrimoine, de l’importance de le préserver, du devoir de mémoire, de la transmission de valeurs et de bien d’autres choses. Il ne faut pas oublier que si ces bâtiments ont vu le jour, c’est bien parce qu’il y avait des communautés qui les souhaitaient, qui s’en responsabilisaient, et qui s’y dévouaient. Avec l’équipe mise en place à Notre-Dame-des-Sept-Douleurs, c’est à cette tradition qu’on participe en tant qu’architecte, et c’est stimulant. De même, pour pouvoir préserver l’avenir de ces bâtiments, il faut aussi s’assurer de maintenir l’expérience et le savoir-faire des corps de métiers traditionnels: sans eux, c’est tout un pan de notre histoire qui est menacé, et la crainte de voir de belles contributions urbaines perdre de leur authenticité faute de savoir comment les entretenir. Le privilège de travailler avec des artisans et des ouvriers qualifiés, détenteurs de savoir-faire traditionnels, c’est aussi une dimension fascinante de notre travail. En tant qu’architecte, nous avons une expertise, mais la possibilité d’être à l’écoute de ces maîtres constitue certainement une des grandes sources de joie dans ce travail.

acqconstruire.com – Est-ce qu’au Québec nous sommes parfois un peu trop vite avec le pic des démolisseurs plutôt que de conserver des bâtiments de notre patrimoine ?

L.B. – Le patrimoine a besoin de communautés qui s’en responsabilisent, tant au niveau de la gestion que de la vie et de l’entretien. Il faut adopter une approche globale, systémique pour en assurer la préservation. Et il importe aussi de bien comprendre que ce patrimoine est un reflet des contributions des générations qui nous ont précédées: nous avons nous aussi notre génération, notre contribution à apporter et il serait triste qu’elle ne consiste qu’à prendre soin des contributions des prédécesseurs. Un exemple: on s’occupe de la préservation des parcs de vitraux dans de nombreuses églises. Parfois, on y retrouve des contributions familiales ou autres sur plusieurs générations, de plusieurs styles, et c’est très beau. Il ne faudrait pas que parce qu’on s’en occupe et les restaure on oublie de contribuer nous aussi aux vitraux de notre génération…Nous avons, nous aussi, quelque chose à dire dans ces lieux, de ces lieux, pour ces lieux.

https://mesquartiers.wordpress.com/2016/03/15/top-20-des-plus-beaux-interieurs-deglise-a-montreal/

Campanistes – Un campaniste est une personne ou une entreprise spécialisée dans l’ingénierie des clochers (civils ou religieux) et assure l’installation des équipements permettant les sonneries de cloches (battant, joug de suspension, bras ou roue de sonnerie, tringlerie…), leur électrification (moteur, circuit électrique, tableau de commande…), l’entretien du beffroi en bois ou en métal qui accueille les différentes cloches, le bon fonctionnement de l’horlogerie d’édifice, qu’elle soit mécanique ou électronique, des cadrans et aiguilles. Le campaniste assure également l’installation et l’entretien des installations de protection contre la foudre. Certains campanistes sont des professionnels indépendants, d’autres font partie d’un réseau régional ou national, en relation avec des fondeurs de cloches ou des fabricants de composants électromécaniques. Cette activité implique des savoir-faire variés (mécanique, électricité, charpenterie, etc.) Le nom vient du latin campana, la cloche, qui a aussi donné campanaire, campanile. En France, quelques centaines d’artisans sont mobilisés pour le suivi de plusieurs milliers de clochers.

Source – Wikipedia