Actualités

Adoption du PL-51 : rencontre avec le ministre du Travail

Association de la construction du Québec
Actualités de la construction

Chaque mois, l’ACQ vous donne rendez-vous pour vous tenir informés des dernières nouvelles de l’industrie, en compagnie de vos animateurs, Charlotte Cousineau et Guillaume Houle.

Dans cet épisode le ministre du Travail, Jean Boulet, répond aux questions de nos animateurs.

Pour écouter le balado :

En exclusivité sur acqconstruire

Lors de son passage dans notre studio, le ministre du Travail a accepté de répondre à des questions supplémentaires de nos animateurs à micros fermés. Nous vous les présentons ici en exclusivité.

J’aimerais qu’on revienne un peu plus en détails, monsieur le ministre, sur le régime des conventions collectives. Le régime de négociation, comment a-t-il été amélioré grâce au projet de loi ?

La période de maraudage suivie d’un scrutin syndical était beaucoup trop rapprochée du début des négociations. Il fallait devancer à peu près d’une année ces périodes-là pour que la poussière retombe après la période de maraudage et de scrutin. Parce qu’il y a un protocole syndical qui doit être convenu entre les syndicats et on doit amorcer le dialogue avec les associations patronales.

Ça, c’est un élément important qui a été changé dans la loi. Comme je l’ai mentionné un peu plus tôt, c’était important de déposer des demandes avec des propositions, qu’on sache où on s’en va. Puis, je l’ai précisé lors de l’étude détaillée, ça ne veut pas dire d’écrire tous les textes. On négocie de façon raisonnée. Ça implique qu’il faut soumettre nos objectifs, partager des objectifs et écrire ce que ça représente dans la convention sans nécessairement donner le texte intégral. Ça, pour moi, ça va faciliter beaucoup les pourparlers. J’aimerais qu’il y ait de l’accompagnement, de la médiation en cas de défaut d’entente entre les parties. Ça fait partie des principaux éléments.

Et je n’étais pas en mode de faire une révolution là où ce n’était pas nécessaire, mais au moins qu’on fasse les choses de manière un peu plus compatible avec la réalité d’aujourd’hui. Je pense que l’adhésion syndicale obligatoire impose un régime de négociation particulier. Puis ça, je l’ai respecté.

Vous avez dit « Je ne voulais pas aller en dehors des sentiers battus, je voulais que le projet de loi respecte ce qui se passait concrètement sur le chantier puis là où on pouvait aller ». Est-ce qu’on aurait pu aller plus loin selon vous, par exemple, fusionner des métiers ou en abolir ? Est-ce qu’on aurait pu arriver à un résultat où le Québec se serait retrouvé avec sept corps de métier comme l’Ontario ?

C’est une hypothèse que j’ai envisagée de fusionner des métiers parce qu’on a 25 métiers réglementés au Québec. Mais imaginez les conséquences sur les paramètres de la formation dans les centres de formation professionnelle.

Je sais qu’il y en a beaucoup, trop peut-être encore aujourd’hui, qui accèdent par les bassins, mais si on avait fusionné trois métiers ensemble, il aurait fallu revoir complètement le programme de formation dans les centres de formation professionnelle.

Et là, on embarquait dans un chantier dont on ne contrôle pas totalement l’issue et certainement pas l’échéancier. Ça aurait pris quatre ans, cinq ans, six ans avant de revoir l’ensemble des programmes de formation et après ça, d’assurer une symbiose entre le moment où on peut fusionner les métiers a-b-c et l’entrée en vigueur du nouveau programme de formation. On ne pouvait pas se permettre d’attendre. Il y a des besoins urgents au Québec, ils sont immenses et moi, l’étude d’APPEco m’a quand même assez bien guidé.

Je pense que le résultat est respectueux aussi des travailleurs et travailleuses. On a une polyvalence accrue. La flexibilité, ça s’impose dans tous les milieux de travail. Tu ne peux pas continuer dans une philosophie de rigidité où des entrepreneurs y font attention. Est-ce que je vais me faire prendre ?

Parfois, l’entrepreneur peut faire affaire avec un sous-traitant, surtout dans l’IC-I, institutionnel-commercial et industriel et le sous-traitant, il n’a pas toujours la main-d’œuvre disponible. Ça fait que tu peux te retrouver à attendre des journées avant que ton travail puisse continuer, puisse avancer.

Donc là, la polyvalence va nous permettre de répondre à nos besoins. Le but ultime, c’est encore une fois les délais, les coûts. Donc, c’est une hypothèse, mais qui ne m’apparaissait pas pertinente à ce stade-ci.

Je pense que nous avons fait un grand pas en avant de penser à 10 %. C’est déjà beaucoup. C’est une nouvelle culture, puis intégrer un concept de polyvalence, c’est nouveau.

Le secteur de la construction qui est un peu figé. Ça fait que là on secoue le pommier, on va de l’avant. Je voulais vraiment le faire dans le respect aussi des syndicats, des travailleurs et des travailleuses. Alors, voyons ça comme une bonne progression.

Si les entrepreneurs qui planifient bien, je t’assure qu’ils vont sauver des délais et des coûts. Il va y avoir beaucoup de pédagogie à faire, j’espère que l’ACQ sera au rendez-vous et la CCQ aussi.

Je ne veux pas qu’on judiciarise quand c’est fait de manière raisonnée, compatible avec les compétences des travailleurs et travailleuses, ça ne peut pas ne pas donner d’excellents résultats.

Il y a des travailleurs qui me l’ont dit aussi, qu’ils sont pris pour attendre parce qu’ils ne peuvent pas. Mon entrepreneur veut respecter le règlement sur la formation professionnelle. Donc, la flexibilité devient un outil majeur selon moi.

Est-ce qu’on aurait pu faire un plus grand pas ? Moi, je suis quelqu’un qui veut progresser, qui veut faire des réformes sans que ce soit une révolution.

article ministre travail mai 2024

Est-ce qu’en ce sens-là, la suite de la réforme du projet de loi 51, la suite de la réforme du secteur de la construction, est-ce que ce n’est pas justement de réfléchir, tout le monde ensemble, à une nouvelle façon d’apprendre les métiers de la construction ? Plus de 70 % des travailleurs entrent par la voie des bassins. Est-ce qu’il n’y a pas lieu d’arriver avec une réforme majeure des modes d’apprentissage ?

Totalement. Puis les bassins, vous le savez, c’est un système de gestion de l’offre et de la demande qui permet à des personnes de venir travailler dans la construction sans formation préalable ou avec peu de formation préalable.

On a du monde, mais le taux de rétention n’est pas élevé pour ces personnes-là qui accèdent par la voie des bassins. Et les risques d’accident de travail, maladies professionnelles sont beaucoup plus élevés.

Il faut accroître la formation, déployer des nouveaux types de formation. C’est ce qu’on a fait avec l’offensive de formation en construction. C’est beaucoup mieux que les bassins.

La formation accélérée, même si c’est peut-être deux fois moins que si tu empruntes le corridor menant à un DEP, il y a des compétences essentielles qui sont acquises, qui permettent aux personnes de mieux travailler, aux entrepreneurs de continuer leur formation en entreprise et de diminuer les risques d’accident.

Je pense qu’il y a un avenir à ça. Il y a un avenir à l’alternance travail-études. Je pense que c’est une formule qui peut connaître du succès. D’ailleurs, on a huit programmes en alternance travail-études au Québec. Il faut déployer encore plus ce type de formation-là.
On disait il y a à peu près 200 000 jeunes de 18 à 29 ans qui ne sont ni au travail, ni aux études, ni en formation. L’alternance travail-études permet de répondre à leurs besoins.

D’ailleurs, on a ce type de formation pour les étudiants. Souvenez-vous, en 2021, dans les allègements réglementaires, on a permis aux étudiants qui sont dans les centres de formation professionnelle pendant l’été, pendant les périodes de relâche, pendant les congés, d’aller travailler sur des chantiers de construction et d’accumuler des heures pendant qu’ils sont formés, leur permettant de monter plus rapidement dans le régime d’apprentissage.

Il faut tout revoir ça avec le comité de formation professionnelle où les parties sont représentées. Puis moi, je n’étais pas au stade où je devais m’immiscer dans cela. Je pense que ça avance bien.

On a une nouvelle PDG à la CCQ qui a la même vision de l’importance incontournable de la formation. Il faut tous prendre l’ascenseur nous permettant de rehausser les compétences de nos travailleurs et travailleuses et ça passe par différentes formules.

Et il ne faut pas rien négliger, que ce soit en entreprise, dans les centres de formation professionnelle, en alternance travail-études avec les équipements et l’espace approprié ou la formation accélérée. Il y a plusieurs avenues.

Puis il faut rester aussi à l’affût de ce qui se fait à l’échelle internationale.

Et ça, j’essaie beaucoup de lire puis de me fier à des organismes patronaux et syndicaux qui restent connectés à ce qui se fait ailleurs, parce qu’on a ce défi de pénurie de main-d’œuvre et de productivité dans le domaine de la construction, partout dans le monde occidental, à tout le moins.

Dernière question, monsieur le ministre, c’est quoi les prochains défis de Jean Boulet ?

Je ne m’arrêterais pas là. Tu sais, ce que j’aime en politique ? C’est faire des commissions parlementaires.

On a fait la loi 42 pour le harcèlement psychologique et les violences à caractère sexuel en milieu de travail.

D’ailleurs, qui va être un bénéfice non seulement pour l’industrie de la construction, mais tous les milieux de travail.

Donc, je travaille à réformer aussi la Loi sur le bâtiment du Québec.

Je travaille aussi à moderniser certaines lois du travail.

Bon, cet automne, j’ai des projets. Vous avez vu, j’ai déposé un projet de loi qui va permettre d’alléger la paperasse pour les médecins. Et ça va s’appliquer aux employeurs aussi pour accroître l’accès et la disponibilité des médecins. Et ça, c’est pour tous les travailleurs et travailleuses.

Je reste à l’affût des consultations et des discussions que j’ai, notamment avec l’ACQ, pour me tenir informé de ce qu’on peut faire pour s’améliorer collectivement et le faire de manière raisonnée et respectueuse de la capacité de chacun d’avancer.

Mais il faut avancer, il faut se moderniser, il faut simplifier aussi. Oui, c’est ça qui m’interpelle.

Merci monsieur le ministre.

Merci Guillaume. Merci Charlotte.