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Dossier ventilation et qualité de l’air : le tourment des grands bâtiments

Association de la construction du Québec
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© Pierre St-Cyr
La qualité de la circulation de l’air dans les grands bâtiments définit, au-delà des considérations énergétiques, la santé et la sécurité de ses occupants. Elle constitue un projet phare d’intervention. Une préoccupation dans l’industrie.

Martin Auger, docteur en santé du travail et ingénieur en bâtiment est président de ABI Environnement Inc., une firme d’expertise en ventilation et qualité de l’air. À ce titre, il a participé à plusieurs projets d’envergure tant au Québec que dans le reste du pays, sans omettre de grands chantiers américains et européens. Il a signé plusieurs avancées sur le sujet, particulièrement comme chercheur auprès de grandes universités, dont McGill et Berkeley, où la notion d’environnement jouit d’une des plus hautes attentions mondiales.

Le premier rôle d’un système de ventilation, explique sommairement le docteur Auger, est d’importer dans un bâtiment de l’air de l’extérieur que l’on suppose propre, sinon traité ou filtré mécaniquement, pour en assurer la qualité. Cet air sera ensuite conditionné, c’està-dire climatisé ou chauffé et régulé sur le plan de l’humidité. L’afflux devra également tenir compte d’un ratio de pression entre l’intérieur et l’extérieur du bâtiment pour fournir plus de confort aux occupants. Il s’agit d’un système de circulation permettant à l’air vicié d’être évacué dans un esprit de renouvellement incessant.

Or, selon cet expert, ce ne sont pas tous les systèmes qui réussissent à accomplir ces tâches sans faille. Il peut survenir à l’occasion des erreurs de balancement exposant des défaillances de retour d’air. « Des problèmes parfois persistants qui expriment dans bien des cas une faiblesse de formation ou la maladresse professionnelle de certains techniciens », insiste-t-il.

Écueils internes

Généralement, c’est l’incompréhension des méthodes de calculs établies par l’Association internationale des ingénieurs en mécanique de bâtiments qui est à la source de ces ratés. La norme de conformité ASHRAE qui fait l’objet d’un apprentissage académique obligatoire pour tout technicien en ventilation est un standard en constante évolution. La mesure doit donc être maîtrisée et suivie, estime sans équivoque le docteur Auger. Le non-respect de la directive peut entraîner des déficits de santé à la source de maladies professionnelles, au-delà des contraintes pulmonaires.

En effet, toute personne qui respire un air de qualité inacceptable dans la réalité des immeubles particulièrement fermés d’aujourd’hui peut être victime de cet impair. Cette condition peut de plus générer d’importants coûts récurrents pour la société en général, en occasionnant des soins de santé, et pour les employeurs en particulier, victimes d’absentéisme au travail. « L’Organisation mondiale de la santé a reconnu cette dispositin, appelée syndrome des édifices hermétiques », précise le Dr Martin Auger. 

« Aussi, l’identification de mauvais ajustements de portée de ventilation ou de difficultés d’entretien de certaines composantes, décrits comme des ennuis anodins, alimente cette préoccupation. Une procédure de qualité pour assurer le bon fonctionnement de l’ensemble d’un système, ce qui comprend la notification et la vérification de pièces ou d’accessoires dissimulés dans des endroits inconsidérés, doit faire partie d’une action éclairée d’entretien de ces équipements, sans égard à leur année d’installation. »

« Dans des immeubles érigés il y a une trentaine d’années, il arrive que des techniciens de la relève reçoivent de la part des équipes sortantes peu de précisions sur l’état des architectures de ventilation vieillissantes, au même titre qu’une insuffisance de renseignements sur la rigueur des rondes d’inspection à effectuer pour que la propreté de l’air reste ou devienne conforme aux normes. La qualité de la transmission de l’information entre les équipes, des échanges méthodiques, s’avère parfois déficiente. »

« La bonne communication constitue en effet un actif à valeur ajoutée au sein de tout environnement professionnel, dans toute sa portée. »

Facteurs extérieurs

Certains problèmes de salubrité de l’air peuvent émaner de micro-organismes ou de polluants, des particules en suspension repérables dans l’oxygène du bâtiment. Ils sont détectables à l’aide d’analyses chimiques. Mais des odeurs difficiles à combattre, voire impossibles à identifier au premier abord, peuvent également provenir d’éléments existants dansle pourtour de l’immeuble. L’emplacementd’un capteur d’air situé près d’un enclos d’ordures ménagères ou d’un quai de livraison peut être la cause de ces irritants.

ABI Environnement a souvent perçu ces incongruités dans la configuration des systèmes, notamment en décelant l’existence d’une prise d’air donnant sur un comble souterrain d’égout sanitaire insoupçonné.
Dans la foulée, il est également important de tenir compte des activités provenant d’un plus large périmètre de voisinage, comme la proximité d’une usine au fort débit de vapeur de solvants ou d’autres rejets expulsés d’évacuateurs de bâtiments inconsidérés.

Heureusement, il existe des systèmes de ventilation et de gestion de l’air innovants capables de percevoir et de maîtriser par réaction instantanée, donc en temps réel, des volumes moyens de composés organiques volatils plus spécifiques, en outre une mixité d’odeurs corporelles ou de senteurs de colles ou de benzène, des micro-organismes cancérigènes émanant subtilement des panneaux de formaldéhyde du mobilier de travail, et de les éliminer en les ciblant et les grillant plus efficacement dans les filtres.

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© Pageau Morel

Un de ces environnements contrôlés dignes du 21e siècle est la vedette d’un vaste chantier de construction de campus universitaire. Un projet aux attentes très élevées à Montréal et un concept phare en Amérique du Nord. Un déploiement qui surprend le milieu du génie par son ampleur et son unicité. Ce projet destiné à la construction du bâtiment regroupant les départements de physique, chimie, sciences biologiques et géographie de la Faculté des arts et des sciences de l’Université de Montréal fait l’objet d’attentions particulières. Il réfère à des besoins très exigeants de sécurité et de ventilation, des aspects dans ce cas-ci interreliés. Ce bâtiment regroupe deux composantes principales, soit l’enseignement et la recherche.

Défis techniques

« Cet aménagement complexe qui touche plus particulièrement la zone des laboratoires, où l’on trouve 352 hottes chimiques, 253 bras de captation, près de mille raccords d’évacuation muraux, 770 armoires ventilées et 128 cabinets de pompes à vide, composant le système de ventilation et de qualité de l’air ambiant de l’immeuble, représente un projet d’architecture lourde », précise Claude Giguère, chargé de projet des segments ventilation et automatisation du bâtiment en chantier. Il est vice-président de Pageau Morel, la firme spécialisée dans les domaines de l’ingénierie mécanique et électrique, de l’efficacité énergétique et de l’écoconception. Cette entreprise est un fournisseur de solutions de pointe dans ce vaste projet de construction mené par le consortium BPA PMA SNC qui a réalisé la conception et la surveillance des travaux électromécaniques et de télécommunications. 

« C’est un environnement dans lequel on retrouve énormément de cylindres de gaz comprimé, contenant notamment de l’hydrogène et plusieurs gaz toxiques. Un lieu qui comprend de surcroît des composés pyrophoriques, c’est-à-dire des produits qui s’enflamment spontanément au contact de l’air et qui sont souvent réactifs à l’eau. Une zone qui doit donc en tout temps être gardée à l’écart de l’oxygène, de l’humidité dans l’air, ou des deux », insiste-t-il.

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© Amélie Philibert

La capacité des systèmes à évacuer un taux exceptionnellement élevé d’air dans le bâtiment a constitué le principal défi de cet immense projet. La quantité de hottes chimiques servant à recueillir avec efficacité l’entièreté des rejets chimiques provenant des expériences exécutées en laboratoires est au centre de cette architecture d’intervention. « Dans ce contexte, c’est un édifice appelé à consommer un volume impressionnant d’air extérieur, soit plus de 300 000 L/s (litres d’air par seconde) dont 260 000 L/s pour la portion recherche seulement. »

Qualité de vie

Cet attribut a guidé l’observation de normes singulières de rendement, en outre, un surpassement des standards pour un environnement à risques. Ce grand déploiement visait particulièrement à prévenir de graves accidents de sources chimiques, à préserver l’activité respiratoire des chercheurs, des étudiants et de tout le personnel évoluant dans ce bâtiment universitaire d’avant-garde au pays.

« Nous avons étudié des possibilités pour tenter de réduire la quantité d’air à importer et à exporter du bâtiment avant de cibler ce système. Nous avons analysé plusieurs nouvelles technologies applicables, comme les systèmes composés de hottes à bas débit, une utilisation cependant non rentable dans ce cas-ci, estime Claude Giguère. C’est pourquoi nous avons opté pour un système à volume variable. Ce type de système permet de contrôler le taux de dioxyde dans l’air, et d’en régler la fluidité d’évacuation, dans un dessein d’optimisation de la consommation d’énergie. Les études actuelles démontrent que la consommation d’énergie (MJ) anticipée sera de 52,7 % inférieure à celle du bâtiment référence selon l’ASHRAE 90.1 – 2007 ».

« Notre analyse a également tenu compte d’un plan élargi de données à identifier et à mesurer pour maximiser la gestion des volumes d’air dans les laboratoires de recherche. Souvent, dans de tels systèmes, on mesure un éventail plus restreint de données de volume d’air. »

La technologie d’équipement que nous avons installée dans ce bâtiment veillera à recueillir davantage d’information que ce qui est habituellement installé dans ce type d’environnement. Nous détecterons ainsi la présence d’un plus vaste champ de composés, en repérant une échelle impressionnante de dénominations de toxicité. Enfin, un dispositif arrimé à un système d’évacuation parmi les plus performants à ce jour, un équipement d’une grande efficacité pourvu d’une puissance de ventilation de 727 kilowatts, se chargera d’expulser avec efficience l’air putride vers l’extérieur. »

La concentration du nombre d’appareils de ventilation montés dans les plafonds, particulièrement dans les espaces situés au-dessus des laboratoires d’enseignement, a également posé des défis techniques. L’équipement qui y est à l’étroit a fait l’objet d’un aménagement âprement étudié. Les hauteurs maximales permises par les normes de construction en vigueur à Outremont ont été atteintes, limitant ainsi la hauteur disponible entre les dalles formant les étages.

Bon encadrement

Ces aménagements vont assurer une qualité de vie exceptionnelle aux occupants du bâtiment précise Alain Boilard, directeur général du développement du campus MIL de l’Université de Montréal. « L’édifice qui vise une certification LEED Or profite à ce titre d’une mécanique de renouvellement entier d’air neuf d’une frugalité d’énergie insoupçonnée. Le système a été conçu pour assurer dans un même intervalle le fonctionnement de toutes les hottes de captation des étages de laboratoires, ce qui impose de faire entrer dans le bâtiment près de 260 000 L/s de renouvellement d’air extérieur. »

« Ce système qualifié de surdimensionné permettra dans la foulée de récupérer la chaleur de l’air à évacuer afin de chauffer le bâtiment d’une manière extrêmement efficace. C’est à cet égard un système technologique d’avant-garde, parfaitement adapté aux exigences de la réalité de la recherche universitaire d’aujourd’hui. »

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© Pageau Morel

Afin de conserver ce système en bon état de marche tout au long de sa vie utile, un programme de formation destiné au personnel d’entretien technique de mécanique de bâtiment de l’Université est en développement. Ces cours théoriques et pratiques délivrés par les fournisseurs de technologies d’équipements sélectionnés, et agréés, pour ce projet permettront d’assurer une routine adaptée de maintenance. « Une spécificité qui contribuera évidemment à cerner l’emplacement des dispositifs clés à surveiller régulièrement et, par le fait même, à édifier un tableau de certaines composantes parfois ignorées qui nécessitent une attention particulière. Cette procédure a pour but d’assurer la rigueur de prévention du risque de dysfonctionnement pour la santé des occupants, et d’affirmer la sûreté du système. »

Cette pratique, qui prévoit notamment des analyses courantes de qualité de l’air dans le bâtiment, une opération réglementaire, est déjà montée et dirigée par le service interne de santé et de sécurité du travail de l’Université. Ces mesures sont liées, faut-il le préciser, à des normes et à des attentes d’encadrement beaucoup plus exigeantes que les attributs de surveillance établis.

Alain Boilard estime important dans ce contexte d’innovation d’exécuter un projet à l’aide de la modélisation BIM. « Nous avons utilisé le logiciel de données de paramétrages Revit. Les maquettes 3D permettent de repousser les limites de conception du bâtiment. À terme, nous pourrons utiliser les maquettes afin d’entretenir les systèmes et assurer une gestion hyper performante. C’est une révolution de procédés qui permettra au Complexe des sciences d’atteindre ces cibles de qualité de l’air et d’économie d’énergie plus facilement », souligne-t-il.