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Dossier maisons écoénergétiques : L’offre bondit pour la construction verte

Association de la construction du Québec
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Pour la résidence Pic-Bois II de Baie-Saint-Paul, les architectes de Tergos Architecture + Construction ont prévu de larges fenêtres orientées plein sud pour profiter de l’ensoleillement et de la vue spectaculaire sur le paysage. – Photo : Charles O’Hara/Tergos

Après l’institutionnel et le commercial, la construction verte gagne le secteur résidentiel. Le Québec est même le chef de file au pays de la certification LEED pour les habitations.

En septembre, l’entrepreneur général Sotramont s’est vu décerner le titre Leed Homes Power Builder par l’United States Green Building Council, l’organisme derrière la certification LEED. Cette marque de reconnaissance est attribuée à des constructeurs qui certifient au moins 90 % de leurs unités. Depuis 5 ans, toutes les habitations de l’entreprise montréalaise sont LEED. « On en livre plus de 250 par année, dit Marc-André Roy, son président. C’est sûr qu’on doit être parmi les plus gros constructeurs LEED au Québec ! »

Dans la province, le nombre d’unités certifiées ou en voie de l’être a bondi de 14 en 2008 à 6 496 en septembre 2017, selon Écohabitation, un organisme voué à la promotion des maisons durables. Son directeur général, Emmanuel Cosgrove, évalue à 5 % la part des habitations LEED dans les mises en chantier annuelles. « Et ça représente seulement les certifiées. Il y en a probablement autant qui s’inspirent de la norme. »

Sans compter que d’autres normes prônent également la construction de maisons plus respectueuses de l’environnement, comme Novoclimat 2.0 de Transition énergétique Québec ou encore R-2000 de Ressources naturelles Canada.

Une tendance de fond

« C’est en forte croissance et ce n’est pas une mode passagère », affirme Emmanuel Cosgrove en indiquant que le portail d’Écohabitation attire annuellement plus d’un million de visiteurs. « Depuis 4 ans, l’affluence augmente de 50 % par année. »

Autre signe d’intérêt : la valeur de revente des maisons écoénergétiques est plus élevée de 5 % à 15 %, selon des courtiers immobiliers sondés par Écohabitation en 2014. Une étude menée en 2015 par la Banque TD sur la revente des condos LEED à Toronto arrive aux mêmes pourcentages.

L’ascension du marché vert, Alejandro Montero, de Tergos Architecture + Construction, la constate. « À nos débuts comme architectes en 2001, presque aucun entrepreneur ne voulait construire vert. Il a fallu se doter d’une licence d’entrepreneur général pour pouvoir bâtir nous-mêmes. » Depuis, l’entreprise de Québec n’a cessé de progresser. Depuis 5 ans, son chiffre d’affaires augmente de 10 à 20 % par année. Une croissance que son cofondateur attribue principalement à son positionnement écologique.

Toutes les maisons construites par Tergos sont certifiées Novoclimat 2.0, et plusieurs sont LEED également. Pour M. Montero, « une maison efficace sur le plan énergétique n’est pas toujours écologique. » Il intègre donc d’autres caractéristiques vertes à ses habitations : prise en compte de l’orientation du soleil et des vents dominants, priorisation de matériaux non dommageables pour l’environnement (ex. : laine de roche volcanique Roxul), intégration naturelle au site, gestion durable de l’eau, etc.

Il indique toutefois que c’est l’optimisation énergétique qui séduit le plus la clientèle. « C’est le seul critère qui touche le portefeuille à long terme », dit-il. Grâce entre autres à une isolation supérieure, une étanchéité accrue de l’enveloppe du bâtiment et de portes et fenêtres à haute performance, les maisons écoénergétiques réduisent la facture d’électricité d’environ 20 %.

Difficile d’être précis, mais les surcoûts d’une habitation LEED ou Novoclimat 2.0 oscillent entre 2 % et 4 %. Juste pour faire évaluer et certifier une unifamiliale LEED, il en coûte autour de 3 500 $. Or, le coût au pied carré demeure un critère déterminant pour la majorité des consommateurs. « Certains clients font donc construire selon la norme, mais ne vont pas chercher la certification », dit Alejandro Montero, de Tergos. Quand Novoclimat 2.0 a été lancé en 2013, des promoteurs l’offraient en option, mais ça attirait peu de clients en raison du prix un peu plus élevé. À la fin de 2016, Québec a bonifié la subvention accordée aux acheteurs (de 2 000 $ à 4 000 $) et aux constructeurs (de 1 500 $ à 2 500 $).

Marc-André Roy

Marc-André Roy, de Sotramont
Depuis 5 ans, toutes les habitations de l’entreprise montréalaise sont LEED.
Photo : Sotramont

Alejandro Montero

Alejandro Montero, de Tergos Architecture + Construction
La demande pour des maisons écoénergétiques croît d’année en année.
Photo : Ève Drouin/Tergos Architecture + Construction

Des clients à convaincre

Si la demande est en progression, elle concerne encore une minorité d’acheteurs. Cela dit, les promoteurs constatent une évolution. Les gens sont plus sensibles qu’avant aux notions d’efficacité énergétique. Ils sont de plus en plus soucieux de l’environnement et du coût de l’énergie.

Un atout concurrentiel, les certifications ? Pour Marc-André Roy, de Sotramont, elles « aident à fermer les ventes » et font partie de l’argumentaire promotionnel. La signature LEED, notamment, ajoute du prestige. Et comme elle est devenue un gage de qualité, « plusieurs assureurs accordent un rabais aux édifices à condos LEED », fait-il valoir. Il reste cependant de l’éducation à faire, selon les promoteurs.

Se préparer à plonger ?

Aucun des constructeurs interrogés ne retournerait en arrière pour se limiter à bâtir « au Code ». D’abord parce qu’ils veulent construire de la qualité, ce qui vient avec des normes plus sévères. Ensuite, parce que la protection de l’environnement fait partie de leurs valeurs. Et finalement, parce qu’ils sont convaincus que la construction durable est la voie de l’avenir. « Un jour, les principes de LEED deviendront obligatoires », prédit Marc-André Roy.

La construction écoénergétique exige certes de faire preuve d’adaptation et de rigueur. « Mais ce n’est pas une révolution dans la façon de construire », insiste Emmanuel Cosgrove.

Une chose est certaine, les entrepreneurs ont avantage à commencer à s’y intéresser. « La demande augmentera du côté des consommateurs, mais aussi des municipalités, soutient-il. Les maires veulent tous des écoquartiers ! Les constructeurs qui n’embarquent pas le verront dans leur chiffre d’affaires. »

Le Square du Nordet
Le Square du Nordet, des maisons de ville situées dans le quartier Bois-Franc à Saint-Laurent, un projet de Sotramont, qui a reçu la certification LEED Platine.
Photo : Sotramont

Tendances vertes

∎ Le bois lamellé-croisé (CLT) a la cote. Ce matériau présente une faible empreinte écologique en plus d’être aussi stable et solide que le béton et l’acier, et d’offrir une excellente résistance au feu. En raison des panneaux préusinés, l’érection des structures en CLT est aussi plus rapide. « Celle de notre première phase d’Arbora a été montée en 67 jours », dit Marc-André Roy, de Sotramont. De plus, le bois séquestre le CO2, ce qui réduit les gaz à effet de serre. « Quand Arbora sera complété, ce sera comme si on retirait de la route 1 200 autos par année », calcule-t-il. En construction dans le quartier montréalais Griffintown, ce projet comptera à terme 274 appartements et 164 copropriétés dans 3 bâtiments de 8 étages. De son côté, Alejandro Montero, de Tergos Architecture + Construction, vante la performance thermique du CLT, qui résiste 7 fois plus que le béton aux pertes de chaleur. « Les panneaux de CLT sont non seulement esthétiques, mais ils offrent aussi une masse thermique qui capte et préserve la chaleur du soleil », dit celui qui a conçu et construit, à Lac-Etchemin en 2012, la première résidence unifamiliale en CLT au Québec.

∎ Le Québec compte seulement quatre maisons certifiées passives, mais ce type de construction est appelée à prendre de l’ampleur, car la réduction de la consommation d’énergie peut aller jusqu’à 90 %. « Un peu comme le principe d’un thermos, ces maisons ne perdent presque pas d’énergie, explique Emmanuel Cosgrove, d’Écohabitation. Entre autres, on double le facteur d’isolation par rapport aux exigences du Code et on installe des fenêtres à triple vitrage. Et comme on passe la hache dans la facture d’énergie, le surcoût de construction peut devenir rentable pour l’acheteur. » Ce surcoût peut atteindre de 10 à 20 %.

∎ Quant à l’habitation nette zéro, qui produit autant d’énergie qu’elle en consomme, le bas coût de l’électricité au Québec freine son déploiement.