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Dossier Efficacité énergétique : Quand les surplus de l’un comblent les besoins de l’autre

Association de la construction du Québec
Actualités de la construction

Photo d’accueil : Le siège social de Mountain Equipment Co-Op, à Vancouver, un projet d’ingénierie mené par la firme Pageau Morel, a remporté la première place dans la catégorie Nouveaux bâtiments commerciaux au ASHRAE Technology Award 2018.

Beaucoup a été fait ces dernières années pour améliorer la performance énergétique des bâtiments. Les experts du domaine ont aujourd’hui à leur disposition une panoplie de solutions et de technologies pour aider les propriétaires d’immeubles à réduire leur facture d’énergie et améliorer leur empreinte environnementale. Il y a encore place à l’innovation. Comment se dessine l’avenir de l’efficacité énergétique ?

Les systèmes de gestion de l’efficacité énergétique des bâtiments ont beaucoup évolué au cours des dernières décennies. De nouvelles formes d’énergie renouvelable sont apparues : géothermie, panneaux solaires, bioénergie, biogaz, etc. Une autre récente avancée : les bâtiments net zéro, qui produisent autant d’énergie qu’ils en consomment. Les projets se multiplient au Québec et débordent du secteur résidentiel. Montréal vient de se doter de son premier bâtiment municipal net zéro avec la construction du pavillon d’accueil du Parcours Gouin, dans l’arrondissement d’Ahuntsic-Cartierville.

Le bâtiment, construit au coût d’un peu plus de 4 millions de dollars, a été conçu de façon à réduire au maximum ses besoins énergétiques. Il est doté d’une enveloppe thermique performante, de systèmes de géothermie et de récupération de chaleur. Il intègre également des panneaux solaires qui viendront combler les besoins restants en énergie.

Varennes a elle aussi opté pour un bâtiment à consommation énergétique nette zéro lors de la construction de la bibliothèque municipale. Parmi les mesures mises en place pour y arriver, notons l’optimisation de la lumière naturelle, la géothermie et l’installation de panneaux solaires. Près de deux ans après son inauguration, la bibliothèque a atteint, ou presque, l’équilibre entre la production et la consommation d’énergie. Le coût de construction de la nouvelle bibliothèque s’est élevé à 10 millions de dollars. Lors d’un reportage diffusé à Radio-Canada, l’administration municipale a estimé que le bâtiment lui fera épargner près de 100 000 $ annuellement en consommation énergétique.

Si ces bâtiments remplissent leurs promesses, il y a toutefois quelques limitations dont il faut tenir compte. « Pour qu’ils soient autonomes, ces bâtiments ne peuvent compter plus de trois étages au maximum, affirme Roland Charneux, directeur chez Pageau Morel. Une autre difficulté, c’est qu’ils doivent être exposés au soleil pour pouvoir profiter de cette énergie. Il faut donc les construire dans des zones moins densément peuplées, ce qui peut accroître les besoins en transport. Cela va un peu à l’encontre d’une approche de développement durable qui vise la densification des villes. »

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Nicolas Lemire et Roland Charneux, de la firme Pageau Morel.

La transition vers une plus grande efficacité énergétique

Favoriser les échanges énergétiques entre les bâtiments est une voie d’avenir pour atteindre une plus grande efficacité encore, selon M. Charneux. Ce serait la prochaine étape pour améliorer le bilan énergétique des bâtiments et même des villes. Elle nécessite toutefois la mise en place de réseaux centralisés qui permettent le partage de l’énergie. « Les villes pourraient y trouver une application autant commerciale que résidentielle, affirme Nicolas Lemire, président et associé principal chez Pageau Morel. Les Européens sont plus avancés que nous à ce chapitre. »

Au Québec, on compte quelques projets à plus petite échelle qui s’inscrivent dans cette optique. Des campus universitaires mettent en place des réseaux centralisés permettant de capter les surplus d’énergie d’un édifice pour chauffer ou refroidir le pavillon voisin. Le Technopole Angus a lui aussi mis en place des systèmes pour favoriser les échanges et la récupération d’énergie.

À l’échelle d’une ville, l’implantation de tels réseaux centralisés pose de nombreux défis qui vont au-delà de la réalisation. « Il faut une réelle volonté politique comme cela se fait à Vancouver pour forcer les nouvelles constructions à se raccorder au réseau de captation de l’énergie, explique M. Lemire. Plus il y a d’utilisateurs, plus le réseau devient rentable. »

Les gains sont indéniables autant sur le plan énergétique qu’environnemental. « C’est un peu aberrant de constater toute l’énergie qui se perd chaque jour, affirme M. Lemire. Il faut comprendre que les besoins varient selon le climat, les activités dans un bâtiment. À certains moments, une usine en surplus d’énergie pourrait alimenter une école ou un édifice de bureaux au lieu qu’il brûle du gaz naturel pour se chauffer. De son côté, l’usine doit opérer des équipements pour évacuer cette chaleur. Au lieu de payer pour se débarrasser d’un surplus d’énergie, elle pourrait la fournir à un autre utilisateur qui à son tour n’aurait pas à payer pour se chauffer ou se climatiser. »

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Daniel Robert, de Kolostat

Des freins à l’innovation

En attendant ces réseaux centralisés, il reste encore beaucoup à faire. Les experts s’entendent : tous les projets de construction ne vont pas aussi loin qu’ils le pourraient en matière d’efficacité énergétique. « Il y a encore de la résistance, soutient Daniel Robert, vice-président Ventes et Ingénierie chez Kolostat, une firme de Laval spécialisée en installations mécaniques de bâtiments et HVAC. Les propriétaires veulent bien faire des économies d’énergie, mais ils ne sont pas prêts à investir autant qu’il le faudrait. Un retour sur investissement de deux ou trois ans, c’est standard. Quand on parle d’un ROI (retour sur investissement) de cinq ans, ils deviennent plus frileux. »

La règle du plus bas soumissionnaire et le bas coût de l’énergie au Québec constituent des freins importants à l’innovation. Il existe plusieurs programmes de subventions offrant différentes formes d’aide financière, mais ils gagneraient à être mieux connus. « Les promoteurs savent qu’ils existent, mais ils ne réalisent pas toujours à quel point ils peuvent les aider à financer leur projet », explique Simon Kattoura, directeur des services écoénergétiques chez Kolostat.

Hydro-Québec, Gaz Métro, Gazifère et Transition Énergétique Québec sont les principaux organismes subventionneurs. Leurs programmes s’adressent aux différents secteurs (IC/I, résidentiel, municipal, etc.) et couvrent aussi bien l’achat d´équipements, l’implantation de mesures pour réduire les gaz à effet de serre que le développement de nouvelles technologies, par exemple.

Les facteurs de succès

Les projets qui se démarquent en matière d’efficience énergétique ont souvent en commun d’être portés par la vision du propriétaire. « Ça prend un porteur de ballon », affirme Roland Charneux.

Un exemple probant : en mai dernier, la firme a remporté le prix AQME pour le projet de construction du siège social de Mountain Equipment Co-op (MEC) à Vancouver. Un projet mené dans un processus de conception intégrée. Ainsi, architectes, ingénieurs, entrepreneurs spécialisés, architectes paysagistes étaient assis autour de la table pour déterminer les grandes lignes du projet en fonction de la vision du client.

MEC logeait dans un édifice devenu vétuste qui offrait peu de confort aux travailleurs. Les propriétaires voulaient un nouveau siège social qui serait aligné sur leurs valeurs environnementales. « Dès le départ, ils ont manifesté le désir d’avoir un bâtiment où tous les occupants pourraient profiter au maximum de l’éclairage naturel, raconte M. Charneux. Cela nous obligeait à concevoir un édifice en longueur, ce qui augmentait la superficie de l’enveloppe du bâtiment. Pour éviter les pertes de chaleur, il a fallu prévoir des murs à haute performance énergétique et opter pour des fenêtres à verre triple. »

Les ingénieurs ont quand même évalué la possibilité d’avoir du vitrage double, une solution qui a finalement été écartée. « Avec un vitrage triple, on avait besoin de moins de pompes à chaleur pour la géothermie, explique M. Charneux. On réduisait aussi le nombre de panneaux radiants de climatisation. Ce qu’on sauvait en électromécanique, c’était la prime à payer pour avoir du verre triple. Le budget global restait le même. »

Un exercice qui n’est pas la norme dans les projets de construction, déplore M. Lemire. « C’est ce que permet de faire la conception intégrée, prendre les décisions de façon globale », dit-il.

Situé au centre-ville de Vancouver, le nouveau siège social de MEC accueille plus de 375 employés. Le bâtiment, composé d’une structure de bois et d’une fenestration abondante, compte une aile principale de quatre étages et une aile secondaire de trois étages. En plus des bureaux administratifs, il abrite un centre d’appel, une salle de couture et des laboratoires. Plusieurs mesures d’efficacité énergétique ont été mises en place : une ventilation hybride naturelle assistée par le vent, un système de récupération des eaux grises pour la chasse d’eau des toilettes, des récupérateurs sur le drainage des douches pour le préchauffage de l’eau domestique et huit thermopompes avec puits géothermiques pour le chauffage et le refroidissement, entre autres. Avec son nouveau siège social, MEC bénéficie d’une réduction de la consommation d’énergie de l’ordre de 43 %. Il vise une certification LEED de niveau platine.