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Conception-construction progressive : un mode innovant pour notre industrie

Association de la construction du Québec
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Projet d’expansion du Port de Montréal à Contrecœur © Administration portuaire de Montréal
Les principaux donneurs d’ouvrage au Québec accusent un retard important dans leur façon d’octroyer et de réaliser les projets de construction. Dans l’objectif de briser le travail en silo, le mode de réalisation des projets de construction québécois se doit d’évoluer.

Les problèmes complexes dans le domaine de la construction nécessitent souvent une collaboration étroite entre divers acteurs pour être résolus efficacement.

Dans cette industrie au Québec, le mode de réalisation de projet le plus utilisé est celui dit « traditionnel ». Ce mode consiste à retenir les services d’un entrepreneur général sur la base du plus bas prix conforme, à partir de plans et devis élaborés en amont par le donneur d’ouvrage et ses professionnels.

L’Association de la construction du Québec a eu la chance de s’entretenir avec M. Roger Arsenault, vice-président, Projets majeurs, Génie civil, Est du Canada au sein de l’entreprise AECON. Groupe Aecon Inc. est une entreprise canadienne de construction et de développement d’infrastructures dans les domaines de la construction civile, du transport urbain, de l’énergie nucléaire, des services d’utilités publiques et du secteur industriel. Elle offre également des services d’élaboration de projet, de financement, d’investissement, de gestion et d’exploitation et d’entretien.

La conception-construction « traditionnelle » vs progressive

Peut-être avez-vous déjà entendu parler du mode de réalisation conception-construction ?

Selon l’Office québécois de la langue française, la conception-construction consiste, pour un même entrepreneur, à assumer la responsabilité de la conception et de la construction d’un projet.

M. Arsenault, quelle est la distinction entre ces deux modes de réalisation ?

Depuis quelques années, certains donneurs d’ouvrage ont réalisé des projets en mode conception-construction délaissant dans ces cas le mode d’octroi au plus bas soumissionnaire conforme. L’industrie croyait que ce nouveau mode de réalisation, soit la conception-construction, était un mode collaboratif, mais ne l’était pas vraiment en réalité. C’était certes une évolution dans la façon de faire, mais pas très collaboratif. À titre d’exemple, le projet du prolongement de l’autoroute 30, sur la rive sud de Montréal, auquel Aecon a participé a été réalisé selon le mode conception-construction. Le mode conception-construction suit une approche séquentielle rigide. Pendant la phase d’appel d’offre (phase de soumission), l’étape de conception du projet est développée à seulement 15 % ou 20 % par l’entrepreneur et ses ingénieurs. Cela présente une très grande part de risque pour l’entrepreneur puisque le coût est fixé avant même que la conception ne soit terminée.

Ce mode inclut peu de collaboration, de transparence et d’innovation. Les entrepreneurs ont de moins en moins d’appétit pour ce mode de réalisation, étant donné les risques financiers importants qu’ils doivent assumer.

Un nouveau mode de réalisation a fait son apparition dans les dernières années au Canada, mais est beaucoup moins présent au Québec, soit le mode conception-construction progressive (en anglais connu sous le nom de progressive design-build. Pour ce qui est du mode de réalisation progressif, comme son nom l’indique, le projet s’effectue étape par étape et ce, en étroite collaboration entre le client et l’entrepreneur dès le début du projet.

Ce mode de réalisation progressif présente l’avantage de permettre une conception détaillée et l’établissement d’un échéancier de projet dans un mode collaboratif et dans une étroite collaboration entre le client et l’entrepreneur-concepteur. Pendant cette phase, les coûts du projet sont également estimés, mais selon des critères beaucoup plus précis, au fur et à mesure que la conception avance, que les risques sont identifiés et évalués, etc. Et tout ceci, encore une fois, selon une communication, une confiance mutuelle et une collaboration étroite entre le client et l’entrepreneur-concepteur. Ce mode assure une meilleure planification, un juste partage des risques et une réduction des changements en cours de route, évitant ainsi des réclamations et litiges en fin de projet.

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Non seulement, ce mode permet une solide collaboration entre toutes les parties prenantes du projet, mais établit également une relation basée sur la communication, la confiance mutuelle et surtout, la transparence.

M. Roger Arsenault, vice-président, Projets majeurs, Génie civil, Est du Canada, AECON.

Cette façon de faire se distingue par plusieurs volets. Tout d’abord, l’équipe du projet, incluant notamment le client et l’entrepreneur-concepteur se rencontrent de façon régulière et en toute transparence à chacune des étapes, que ce soit pendant la conception, l’établissement de l’échéancier, l’estimation des coûts, l’analyse des risques, ou encore, pendant la phase de construction afin de suivre de façon progressive l’avancement du projet. Cette façon de faire ouvre toute grande la porte à l’innovation. En effet, comme l’entrepreneur-concepteur est déjà choisi, ses « bonnes idées » bénéficient au projet dès le début de la conception du projet. Dans un contexte du mode du plus bas soumissionnaire conforme, ou dans un mode de conception-construction conventionnel, les « bonnes idées » d’un soumissionnaire doivent obligatoirement être partagées avec tous les soumissionnaires. Cette façon de faire décourage ainsi toute innovation.

Évidemment, ce mode de réalisation collaboratif exige que le client sélectionne l’entrepreneur-constructeur avec qui il veut travailler et collaborer à la réalisation du projet. Cette sélection se fait à la suite d’une relative courte étape d’appel de propositions à laquelle plusieurs entrepreneurs-concepteurs peuvent répondre. Le choix de l’entrepreneur-concepteur est alors plutôt basé sur l’évaluation du client en ce qui a trait à l’expertise des constructeurs-concepteurs et de son personnel, mais également selon sa capacité à collaborer, sa gestion et ses performances en matière de santé et de sécurité du travail, ses politiques en matière de gestion environnementale, sa politique en matière de développement durable, etc. Donc, lorsque le client choisit ce mode de réalisation, le choix de son partenaire entrepreneur-concepteur n’est pas basé sur un simple critère comme celui du plus bas soumissionnaire conforme.

Cela permet donc au client de valider en amont avec quel entrepreneur-concepteur il désire travailler, en se basant sur ces critères, souligne M. Arsenault.

En résumé, la principale différence réside dans la séquence d’avancement du projet et le niveau de collaboration entre les parties.

Cette courte étape d’appel de propositions est précédée d’un appel de qualification pendant lequel tous les entrepreneurs-concepteurs intéressés soumettent un document de qualification, mais souvent seulement trois d’entre eux seront invités à l’étape subséquente, soit l’appel de propositions.

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© Administration portuaire de Montréal

M. Arsenault, parlez-nous des avantages de la version progressive de la conception-construction.

Le mode de conception-construction progressif présente de nombreux avantages, en voici quelques-uns :

La collaboration et la transparence accrue entre les parties prenantes

En intégrant les équipes de conception et de construction dès le début du projet, ce mode de réalisation favorise la collaboration, la communication entre les différents acteurs, et encourage l’innovation ce qui conduit à une meilleure compréhension des objectifs du projet et à une résolution plus efficace des problèmes.

La gestion des risques

  • Réduction des délais

Dans un mode de conception-construction conventionnel, le client aura à évaluer plusieurs soumissions et potentiellement plusieurs solutions techniques provenant des différents soumissionnaires. Dans un mode de conception-conception progressif, le client choisira son partenaire après une courte période d’appel de propositions et entamera dès lors la collaboration et l’élaboration du projet, évitant ainsi l’analyse de plusieurs soumissions. Cette façon de faire diminue les délais et permet d’entrer dans la phase de développement de projet plus rapidement.

  • Réduction des litiges

Comme le client suit et participe activement à chacune des étapes de développement et de réalisation du projet, les problématiques sont rapidement identifiées et les solutions trouvées en toute collaboration et transparence pour le bien du projet. Le cas échéant, ces problématiques et ces impacts potentiels sur les coûts et l’échéancier du projet sont analysées conjointement entre le client et l’entrepreneur-concepteur, évitant ainsi toute surprise ultérieure et/ou mésentente.

  • Maîtrise des coûts et de la qualité

La collaboration entre le client et son entrepreneur-concepteur dès le début de la phase de développement du projet contribue à identifier et à résoudre les problèmes de conception ou de construction potentiels avant qu’ils ne deviennent des problèmes majeurs, ce qui conduit à une amélioration de la qualité globale du projet.

  • L’innovation et l’optimisation

L’innovation implique la création ou l’adoption de nouvelles idées, méthodes, de nouveaux produits ou services qui apportent de la valeur à un projet, par exemple. Cela peut se traduire par de nouvelles technologies, de nouveaux processus, ou même de nouvelles façons de penser et d’aborder les problèmes. L’entrepreneur joue un rôle primordial dans la génération des idées face au client, tant à l’étape de la conception que pour les activités de construction. Le client peut ainsi participer activement à l’élaboration de ces innovations.

D’un autre côté, il y a l’optimisation, qui, elle, consiste à améliorer ou à rendre plus efficaces les processus. Cela peut se faire en réduisant les coûts, en augmentant la qualité, en minimisant les délais et en maximisant les ressources disponibles. Ce sont tous des éléments bénéfiques pour le projet et les deux parties; le client et l’entrepreneur-concepteur en retirent des bénéfices.

En résumé, la conception-construction progressive offre une approche plus intégrée et collaborative qui peut se traduire par la réalisation de projets plus efficace, de projets mieux gérés, plus économiques et de meilleure qualité.

Encore une fois, cette approche requiert une collaboration et une confiance mutuelles de tous les instants entre le client et son entrepreneur-concepteur.

M. Arsenault, malgré les nombreux avantages, pourquoi selon vous, cette méthode collaborative n’est pas utilisée au Québec ?

« Au Québec, nous sommes frileux, dû principalement au manque de connaissances, mais également en raison de certaines politiques dépassées en matière d’octroi et de gestion de projets de construction. Nos voisins des autres provinces, tant à l’est qu’à l’ouest, ont innové en passant à des modes de réalisation collaboratifs. Le Québec présente un sérieux retard en cette matière », déclare M. Roger Arsenault, vice-président, Projets majeurs, Est du Canada, Aecon.

Aecon.com