La lutte contre le harcèlement psychologique et la violence au travail est engagée depuis 2004 au Québec. Malgré les efforts, ces phénomènes sont toujours présents dans les milieux de travail.
Les chantiers ne font malheureusement pas exception. Le milieu peut même parfois être perçu plus robuste. Le contexte rend difficile la dénonciation et entraîne une peur de représailles. Les travailleurs hésitent à signaler des comportements abusifs, de peur de perdre leur emploi ou d’être jugés par leurs collègues. Certains comportements peuvent souvent être minimisés par l’entourage, le travailleur a peur de se voir reprocher de « faire une histoire » pour des faits qui peuvent sembler banals au regard de certains.
De l’autre côté, plusieurs employeurs ne se sentent pas prêts, ne savent pas quoi faire lorsqu’ils y sont confrontés.
En mars 2024 est entrée en vigueur la Loi visant à prévenir et à combattre le harcèlement psychologique et la violence à caractère sexuel en milieu de travail. Cette nouvelle législation est un pas de plus dans la bataille.
Cette loi vise à protéger les travailleurs par différents moyens. On y retrouve une protection contre les représailles de l’employeur qui favorise ainsi le signalement ou la dénonciation provenant de toute personne, témoin ou victime.
En plus d’encourager le signalement et la dénonciation sans craindre de subir des sanctions, ces nouvelles dispositions prévoient des recours pour la personne qui considère être victime de harcèlement psychologique ou de violence. Si une lésion professionnelle psychologique résulte du harcèlement ou de la violence, le travailleur pourra soumettre une réclamation auprès de la CNESST (Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail). Le travailleur sera indemnisé pour sa perte salariale, le cas échéant, et bénéficiera de l’assistance médicale que requiert son état dans l’éventualité où sa réclamation est acceptée.
Dans le cas où la lésion psychologique résulte de violence à caractère sexuel, des mécanismes allègent le fardeau de preuve du travailler afin de faciliter la reconnaissance de la lésion professionnelle et ce, dans le but d’offrir un soutien efficace aux victimes.

Qu’est-ce que le harcèlement psychologique au travail ?
Le harcèlement psychologique au travail est défini dans la Loi sur les normes du travail comme une conduite vexatoire, humiliante, offensante ou abusive pour la personne qui la subit qui se manifeste par des comportements, des paroles ou des gestes répétés, hostiles ou non désirés, qui portent atteinte à la dignité ou à l’intégrité psychologique ou physique, qui a un impact négatif sur la personne et qui rendent le milieu de travail néfaste pour celui qui en est victime.
Il doit y avoir une répétition du ou des comportements pour conclure à la présence de harcèlement psychologique. Cependant, un seul événement grave peut être considéré comme du harcèlement psychologique.
Il peut prendre différentes formes. Les gestes peuvent être de nature discriminatoire, par exemple, être fondés sur l’origine ethnique, l’âge, la couleur de peau d’une personne ou être plutôt de nature sexuelle voire sexiste.
Certaines conduites peuvent être perçues comme banales ou non malveillantes, mais en réalité constituer du harcèlement psychologique. Bien que les responsables puissent ne pas avoir l’intention de blesser, il est possible que le comportement affecte ou entraîne des conséquences néfastes pour l’autre personne. Le harcèlement psychologique ne dépend pas de l’intention de celui qui agit, mais de l’impact que cela aura sur la victime.
La référence à la notion de non désirée nous dirige vers la notion du consentement. On ne peut tenir pour acquis le consentement d’une personne ni conclure à un consentement valide lorsque la personne n’a pas complètement sa capacité de choisir. Si elle est intoxiquée ou répond sous la pression de son milieu par exemple.
Qu’est-ce que la violence à caractère sexuel au travail ?
Le milieu doit aussi composer avec la violence à caractère sexuel. Cette nouvelle notion est introduite par la Loi visant à prévenir et à combattre le harcèlement psychologique et la violence à caractère sexuel en milieu de travail et définie dans la Loi sur la santé et la sécurité du travail comme étant toute forme de violence visant la sexualité ou toute autre inconduite se manifestant notamment par des gestes, des pratiques, des paroles, des comportements ou des attitudes à connotation sexuelle non désirés, qu’elles se produisent à une seule occasion ou de manière répétée, ce qui inclut la violence relative à la diversité sexuelle et de genre.
Deux particularités émergent de ce nouveau concept. Contrairement au harcèlement, il suffit d’un seul acte ou commentaire à connotation sexuelle pour que cela soit considéré comme de la violence à caractère sexuel et ce, même si le geste n’est pas grave. Il faut donc prendre au sérieux toutes situations où émanent un préjugé selon le sexe ou à une blague à connotation sexuelle, par exemple.
Si la conduite inappropriée se manifeste en dehors du lieu de travail ?
Les événements peuvent se produire au chantier ou à la place d’affaire, mais aussi dans tout autre lieu dans lequel la personne exécute sa tâche de travail. Les comportements inacceptables qui surviennent dans le cadre d’activités reliées au travail, tel que repas de Noël, 5 à 7 ou même activité de team building sont aussi visés. Si les manquements sont commis en dehors du lieu ou des heures de travail et a pour effet d’affecter les relations entre les travailleurs, cela revient dans la sphère du travail
L’utilisation de supports électroniques et des réseaux sociaux est un phénomène de plus en plus grandissant. Compte tenu de l’anonymat et de la facilité d’accès à ces médiums, cet espace peut devenir propice aux commentaires malveillants. Que ce soit pendant les heures de travail, en télétravail ou en dehors des heures de travail, il faut rester vigilant.

Qui peut être tenu responsable d’une conduite inappropriée au travail ?
Il est possible de penser que l’employeur n’aura à intervenir que dans les situations impliquant le personnel de l’entreprise, mais c’est à tort. Le champ d’application de la Loi visant à prévenir et à combattre le harcèlement psychologique et la violence à caractère sexuel en milieu de travail se veut beaucoup plus large.
Elle vise évidemment les rapports entre employés, entre employés et superviseurs ou entre supérieurs sans égard au niveau hiérarchique des personnes impliquées. Elle s’étend aussi aux rapports avec toute personne externe à l’entreprise tel qu’un client, un maître d’œuvre, un fournisseur, un sous-traitant ou un de ses employés, un représentant en santé et en sécurité pour les chantiers de construction (RSS), un visiteur ainsi que toute personne qui lui est associée.
Quelles sont les responsabilités de l’employeur ?
L’employeur est responsable d’assurer un milieu de travail exempt de harcèlement psychologique et de violence. Il a des obligations légales découlant de la Loi visant à prévenir et à combattre le harcèlement psychologique et la violence à caractère sexuel en milieu de travail. Les deux principales obligations sont de prévenir le harcèlement psychologique et la violence à caractère sexuel et de poser toutes actions qui permettront de faire cesser la situation.
Un employeur ne peut garantir un milieu totalement exempt de harcèlement psychologique, mais il doit déployer tous les efforts raisonnables pour le prévenir et intervenir rapidement en la matière.

Comment prévenir et agir devant le harcèlement ?
L’employeur doit identifier les facteurs de risques susceptibles de conduire au harcèlement psychologique ou à la violence en milieu de travail, puis les intégrer au programme de prévention.
Il doit se prémunir d’une politique de prévention et de prise en charge des situations de harcèlement psychologique et de violence, laquelle doit être incluse au programme de prévention. Cette politique doit comprendre notamment les moyens qui seront utilisés par l’employeur afin de sensibiliser et former les travailleurs face à de telles situations.
Il est important que les travailleurs soient en mesure de reconnaître les situations d’incivilité ou celles pouvant s’apparenter à du harcèlement psychologique ou de violence. Ces concepts ne reposent pas seulement sur la victime ou la personne responsable, c’est plutôt l’affaire de tous. Chacun à son rôle à jouer, que ce soit pour prévenir ou agir devant une telle situation. Les travailleurs ne sont pas des spectateurs, mais bien des acteurs principaux à la création et au maintien d’un milieu agréable. Ils doivent adopter un comportement positif et respectueux. Un climat de confiance permet de favoriser la collaboration de tous et la dénonciation des comportements non désirés ou inappropriés.
Entretenir un climat de travail favorable et respectueux ainsi qu’encourager la civilité au travail évite les situations qui pourraient mener à du harcèlement psychologique ou à de la violence. Traiter chaque personne avec courtoisie, communiquer calmement ses idées et son opinion, dire bonjour, s’il vous plaît ou au revoir. Tout est une question de savoir vivre.
Le message doit être clair : aucune tolérance ne sera accordée aux conduites pouvant mener ou s’apparentant à du harcèlement psychologique ou à de la violence. Il ne faut jamais banaliser un événement rapporté. Ne jamais fermer les yeux. Toute situation doit être traitée avec sérieux, objectivité et surtout sans tarder. Le harcèlement psychologique et la violence naissent souvent de situations d’incivilités, tolérées ou non gérées. Il faut agir rapidement et avec diligence lorsqu’une situation à risque est portée à notre connaissance, même s’il s’agit d’une rumeur.
Il est du devoir de l’employeur de définir les modalités de signalement ou de dénonciation ainsi que la façon dont un signalement ou une dénonciation sera pris en charge. Les travailleurs doivent être informés de la procédure à suivre et savoir vers qui se tourner s’ils sont confrontés à ce type de situations. Le processus de prise en charge devra être intégré à la politique de prévention et de prise en charge des situations de harcèlement psychologique et de violence.
Quoi mettre en place sur les chantiers ?
Plusieurs moyens peuvent être utilisés afin de sensibiliser les travailleurs au chantier. Vous pouvez être imaginatif, toutes les façons sont intéressantes. Prévoir des affiches d’informations, assurer un accueil des nouveaux travailleurs au chantier, présenter la politique de prévention et de prise en charge des situations de harcèlement psychologique et de violence à l’embauche, bien circonscrire les attentes et son rôle relativement à l’environnement de travail, prévoir des pauses sécurité sur le sujet, se munir d’un code de conduite à diffuser ou afficher, transmettre un rappel du comportement attendu avant la tenue d’activités sociales sont tout autant de moyens qui permettent de créer un environnement de travail sécuritaire et de sensibiliser les employés.
N’oubliez pas de prévoir la formation du personnel de direction et administratif, des travailleurs et de ceux qui se joindront à votre équipe en cours d’année.
Vous avez besoin d’aide ou d’accompagnement ? Communiquez avec l’équipe des conseillers SST de l’ACQ. Ils pourrons vous proposer divers outils utiles pour remplir vos obligations : formations en salle, virtuelle ou interactive, pauses sécurité, affiches, documents d’informations et autres. Vous pouvez aussi consultez le site Internet de l’ACQ où vous trouverez un modèle gratuit de Politique de prévention et de prise en charge du harcèlement psychologique et de la violence au travail.
Cet article a été rédigé par Isabelle Cyr, chef d’équipe, gestion des lésions professionnelles de l’ACQ.